Platini
Deux
cents foyers haut-marnais à peine sont abonnés
au haut débit. Bas débuts ! On n'est pas très
Net par ici.
L'association départementale de prévention jeunesse n'a toujours
pas reçu sa lettre de mission pour légitimer son action présente,
et on l'espère, future. Nul !
Les fonds de revitalisation économique à destination des
créateurs d'entreprise dans les quartiers sensibles n'intéressent
personne. Décevant. Affligeant. Révélateur
Ne versons point dans l'auto-flagellation. On fabrique dans ce département
les meilleures prothèses du monde. Quoique satanisée par
les chasseurs de radon, l'eau de Bourbonne demeure étonnement efficace
en rééducation. Entre ces deux points forts, rien, ou peu
s'en faut. Et si on aidait médecins et chirurgiens haut-marnais à édifier
une sorte de pôle santé-nature haut-de gamme, spécialisé dans
le diagnostique orthopédique et la pose de prothèses, pont
incontournable entre la forge et le bain-douche. Un établissement
prestigieux où les stars du sport trahies par un tibia, le tout-Paris
claudiquant des arts et lettres viendrait récupérer rectitude
et chlorophylle.
Jadis, un certain Michel Platini, jeune joueur au talent prometteur, est
venu se faire soigner en Haute-Marne. Ça lui a plutôt réussi.
En tout cas plus à lui qu'à nous. Mais il n'est jamais trop
tard.
CQFD
Les
cendres de nos illusions fumaient encore sur Manhattan qu'un membre
actif du CEDRA envoyait un e-mail à la presse haut-marnaise.
Sous une plume indécente, on découvrait la première
tentative de récupération de la tragédie américaine
: l'auteur de la missive électronique y manifestait l'impérieux
besoin de nous prévenir. «Comment mieux frapper l'opinion
publique que par l'explosion d'une centrale [
] Et quelle
pourrait être la centrale "privilégiée" sinon
celle à nos portes, dans l'Aube, à Nogent-sur-Seine
?» d'où l'évidente conclusion à laquelle
n'avaient pas songé les comparses mortifères de Ben
Laden : il faut décentraliser «la production au moyen
des énergies renouvelables». CQFD1 !
Ici, là, peu importe le fond. On avait pas encore dégagé les
survivants, l'enquête débutait à peine, le sang et les
larmes ne tarissaient point qu'en Haute-Marne, un leader d'opinion se fourvoyait
déjà dans la récupération éhontée.
A des années lumière du drame que vient de vivre l'Occident,
cet été meurtrier nous aura aussi appris que le vert est décidément
la couleur de ce qui n'est pas mûr. CQFD.
1 CQFD : Ce Qu'il Fallait Dire.
Tactique
Dans
notre jargon, ce fut un "2 cols pied de page". Autrement
dit : pas grand chose. Et pourtant, la plate-forme logistique
de Toul s'avère autrement plus dérangeante pour
la Haute-Marne que celle de Houellebecq. Beaucoup de nos politiques
s'accordent sur le fait que la logistique est une réelle
opportunité pour nous-autres. A Toul, ils s'accordent
pour mettre de réelles signatures sur de concrets projets.
Enfin, pas tous, pas toujours. La CCI de Reims a tout de même proposé les
candidatures de deux nouveaux sites pour concurrencer Vatry. Dans le genre
: «on croit tellement en notre dossier qu'on vous en propose déjà deux
autres». C'est de la tactique patronale. Bien sûr
Notez que la tactique syndicale de la semaine n'est pas mal non plus. Un
Monsieur de la Poste met en garde l'usager haut-marnais contre la terrifiante
menace «du libéralisme sauvage» et «l'ouverture
de l'Etat au capital privé». Il y a trente ans, cela passait
comme une lettre à la Poste. Mais bon, en 2001
Terminons sur une note heureuse. Jean-Luc Bouzon a écrit à ses électeurs
pour leur expliquer à quoi il sert en tant que conseiller général,
ce qu'il fait, les dossiers sur lesquels il travaille. Il se murmure au
sein de l'assemblée départementale car la grande maison
ne bruit pas que de tactique sénatoriale que certains de
ses collègues dépenseraient peu de papier et encore moins
d'encre s'il leur venait à l'idée d'expliquer ce qu'ils font.
Les mauvaises langues !
Par ici la sortie
Ya
plus de saison, ma bonne Dame. Lactualité ne respecte
plus rien, même ici, en France profonde. Sans attendre
la rentrée, le monde enseignant sest trituré les
méninges, deux jours durant, à Langres, sur le
thème de la violence à lécole. Passionnant.
Des universités dété de ce calibre,
on en redemande. Iconoclastes et savants à souhait, les
travaux ont parfois atteint un haut niveau qui prouve quici
aussi, quand on veut, on peut.
Le sieur Grégoire aussi voulait, il a pu. Sortir de prison. La gendarmerie,
efficace, a sorti le grand jeu. La justice (ladministration pénitentière)
est sortie de ses gonds. De lendroit même où nul na
perçu le doux feulement nocturne de la lame au carbure de tungstène
caressant lacier des barreaux, on devine aujourdhui quelques
toussotements. Car on sait toujours pas officiellement comment le détenu
a pu se procurer cinq lames de scies à métaux et une corde.
Même à 122 euros la lame, ça reste difficile à digérer.
On ne dispose que dune version : la sienne. Ladministration est
muette. Qui ne dit mot consent ? A moins que le détenu bavard nait
menti, et quil ait rongé les barreaux avec ses dents, sans compter
le puissant somnifère quune main perfide a versé dans
la soupe des gardiens. Ya plus de raison, ma bonne Dame.
Vlan,
et re-vlan !
C'était à l'aube
pâlichonne d'un siècle hésitant. Au creux
ombragé de ses vallons boisés, la Haute-Marne
nourrissait encore l'illusion rassurante du "ça
n'arrive qu'aux autres". L'été de cette
année-là vint tout bousculer, comme le font les
vraies révolutions : en profondeur, sans que l'on en
prenne immédiatement toute la mesure.
D'abord l'ESB. L'épizootie continentale sévissait aussi ici.
Aucune raison objective ne pouvait exonérer ce département
du mal ; mais avant, avouons-le, ça n'arrivait qu'aux autres, ailleurs.
Et Vlan !
Puis Bure. Oh, trois fois rien, Bure. Un trou. Qui plus est même
pas ici. Mais si près
Un trou qui démange, si loin.
De plusieurs pays d'Europe, des manifestants sont venus nous signifier
ce que représentait Bure pour eux. Un mini, un infime Gêne,
mais quelque part, la même mondialisation du refus, la même
quête d'autre chose, de plus propre, de plus "humain".
On reparlera de Bure en Europe. Vous verrez.
Puis la légionellose. Pas à San-Francisco, cité mondiale
; pas à Lyon, mégalopole européenne. A Chaumont. Chaumont-sur-Loi
Non,
non. Chaumont-sur-Ici. Re-Vlan !
Les faits sont têtus. Le village planétaire est une réalité.
Désormais installée dans son siècle, la Haute-Marne
doit digérer la mondialisation. On ne saurait l'éviter. Alors
bénéficions de ses aspects positifs, car il y en a.
On nous a appris que la Haute-Marne était un département
français. Depuis quelques jours, c'est aussi un petit bout du monde.
Ici,
ailleurs
Les
gens heureux n'ont pas d'histoire. La formule rassure les somnolents
; elle a d'autres vertus. Serait-elle avérée pour
les départements ?
Il en est d'autres, en France, où, pour échanger des arguments,
on crispe frénétiquement son doigt sur une gâchette.
La question du pain, ici, se cristallise sur la quête d'une boulangerie
ouverte le dimanche matin au mois d'août. Ailleurs, encore, le pain
est de plastic. Ici, "plasturgie" n'est pas synonyme de filière
mafieuse. Ailleurs, on flingue les oiseaux bagués au lâche ball-trap
des avortons microcéphales. Ici, les chasseurs communiquent et construisent.
Ailleurs encore, la pêche au gros met les tueurs au frais. Ici, c'est
un brochet de 18 livres qui gagne sa place au congélateur.
Ailleurs, la fureur et le tumulte commencent à lasser. Les regards
européens finiront bien par se tourner avec envie vers le centre géographique
de ce territoire naissant : ici. Nos verts vallons se trouvent du bon côté de
cette nouvelle frontière. Un jour, on saura gré à l'Histoire
de nous avoir sevré d'histoires.
Rimbaud
Il
n'est que de relire le Général sur le chapitre
du Sénat, évoquer ses sentences définitives
sur la Haute Chambre
et compter aujourd'hui ces gaullistes
de Haute-Marne terre élue par ledit général prompts à se
présenter aux sénatoriales pour envisager la
vanité de bien des choses. De la politique par exemple.
Laissons donc pour l'heure ces funambules de la promesse s'accommoder
neuf ans durant des avantages d'une mémoire sélective.
Et puis, qui, en cet août chagrin, relit le général
? Peut-être parce que la prose gaullienne est à la
littérature ce que la marche militaire est à la
musique
Quitte à voler des heures à l'été en réveillant
une plume d'ici, relisons Diderot dont la vénérable Encyclopédie
va nous valoir bientôt quelque très intellectuelle renommée.
Trop intellectuelle ? Certes on n'aborde pas le savant langrois comme un
roman de gare. Surtout dans des gares placées sur les rails du déclassement
Tant qu'à lire, donc, re-dévorons plutôt l'uvre
en chef d'un Champardennais authentiquement doué, trop tôt
béni des dieux, enfant gâté, sitôt maudit, qui
prit lui aussi le train d'ici ; car entre Charleville et Marseille, du
génie prolixe au silence de l'enfer, sa voie l'a logiquement fait
emprunter les rails de Haute-Marne. Même furtivement. Si une terre
ingrate comme celle des Ardennes a su donner le jour à des Rimbaud, à des
Dhôtel, pourquoi ne pas envisager que celle d'ici enfante à son
tour, en ce siècle encore naissant quelque adroit ou imaginatif
créateur des arts ou lettres ?
Quel
trou !
L'été haut-marnais
glisse en pente douce vers la rentrée. Un été somnifère.
Chaque semaine distille sa dose de nouvelles qui passent comme
autant de lettres à la poste : quatre morts sur l'autoroute.
Une famille rayée de la carte ; oui, mais c'est la carte
des Pays-Bas.
Bure fait son trou. Les Schadocks pompaient. L'Andra creuse. Les élus
se taisent. Les élus, justement. Les nôtres. Parlons-en.
Rien qu'à droite, on en compte déjà cinq fois de trop
sur la ligne de départ des sénatoriales. Et ce n'est pas
fini ! Rappelons qu'avant d'être un bâton de maréchal,
un mandat de sénateur est un mandat national. Une lecture attentive
de la Constitution confirme qu'un sénateur en tant que tel
- ne peut rien faire pour ceux qui l'ont élu. Un sénateur,
quand cela ne dort pas, ça légifère. Mais localement,
rien.
Pourquoi donc se présentent-ils tous puisque ce ne saurait être
pour défendre les intérêts des Haut-Marnais ? Hein
! Pourquoi ?
Sans doute d'abord parce que leurs mandats locaux ne les occupent pas assez
ou qu'ils ont fait montre dans cet exercice de suffisamment d'efficacité.
Il faudra un jour qu'on définisse avec eux "l'efficacité".
Mais bon
Et puis, cherchez la femme ; révélateur...
Puisqu'une fois élus, les meilleurs d'entre eux s'empareront à bras
le corps de dossiers nationaux, donnons leur un avant-goût de la
félicité studieuse qui les attend et interrogeons-les sur
la place de la Haute-Marne dans l'aménagement du territoire, la
différence sémantique entre un laboratoire et une poubelle
dans un désert humain, le train de sénateur de la modernisation
de la ligne Paris-Bâle etc
Quant à tous ceux qui ne vont pas être élus, risquons
une pensée émue pour leur déception (un tantinet naïve
)
et tout ce temps, toute cette disponibilité qu'ils pourront à nouveau
consacrer à leurs mandats actuels, c'est à dire à notre
avenir !
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