Année 2001 - Semaines 41 à 52

 

A la carte

Les cartes de vœux de François Cornut-Gentille (député) et ceux de Charles Guéné (sénateur) ne sont pas – à ce jour – parvenus jusqu'à nous. Le réseau routier, un tantinet perturbé ces derniers jours autour de Chaumont en est sans doute seul responsable. Passons.
Ceux de Jean-Claude-Daniel (député), Bruno Sido (sénateur) et Jean-Philippe Geoffroy (préfet) sont déjà venus flatter un œil gourmand. La palme de l'originalité revient au député-maire de Chaumont. La talentueuse graphiste du service communication de la ville a délicatement détourné une échographie ; on devine un 2 dans des entrailles pleines de vie, un 2 prometteur. Serait-ce celui de son 2e mandat ?
Les vœux du préfet évoquent – pur hasard – les thèmes chevènementistes (Hugo, la révolution de 1848) déclinés localement (Louise Michel). La République, c'est sûr. Mais la République d'hier.
Bruno Sido est de loin celui qui offre le plus à lire. Du texte de tous les côtés. Du texte qui nous parle de… l'écrit. Diderot et son Encyclopédie d'un côté, les pages Web du Conseil général de l'autre. Internet y est omniprésent. Des vœux au futur proche, à l'instar de ceux du plumitif commis à chronique : formulons ensemble le souhait que chacun de vous trouve de l'intérêt, voir du plaisir, à parcourir quotidiennement ces pages, au bonheur d'une lecture… à la carte.

Même combat

Quel formidable cadeau le Père-Noël Sido vient d'offrir aux garnements du comité contre l'enfouissement des déchets radioactifs. Qu'ils se méfient (mais ils sont méfiants, voire outrageusement soupçonneux) le présent pourrait être à double tranchant pour l'avenir. Habile !
D'abord, Bruno Sido permet au Conseil général de renouer – à travers sa seule personne – avec le dossier "patate chaude". Il y avait Jean-Luc Bouzon «qui posait les bonnes questions». Désormais, ils sont deux.
Il coupe aussi l'herbe sous le pied du Cédra. Avec sa question, il a fait plus pour mettre les choses au point que les opposants depuis des années. Il reprend la main, au moment-même où le Conseil général de la Meuse commence à émettre, disons, "des doutes" médiatisés sur l'affaire.
Il se fait probablement fort d'expliquer à son ami Antoine (Allemeersch) qu'il reste bien sûr tout à fait "pour" mais que bon…
Facilement réélu, désormais sénateur, Bruno Sido s'est doté d'une toute autre stature cette année. Plus fort que jamais, il prend désormais le temps d'écouter. Et d'agir autrement. La politique lui donnait faim. Voilà qu'il l'appréhende en gourmet. Alors ? Sido-Cedra même combat ? Pas si sûr…

Alors, heuros ?

On ne peut pas tout à fait dire que le vent tourne, mais bon… L'année ne se termine pas si mal. Ces derniers mois, les acteurs consciencieux du Pays de Langres ont fait des petits dans le nord et le centre. Bruno Sido annonce même une grand-messe spéciale "pays". Le jour de mise à disposition des fameux euros, la Haute-Marne se met à l'heure de l'Europe.
Tout change, lentement mais sûrement. Surtout lentement par ici. Mais bon. Autre signe positif : l'attitude des élus sur Bure. Jadis, au premier vote des conseillers généraux, il n'y eut qu'un contre. Au second vote, on en compta cinq. La dernière fois, ils étaient six et deux s'étaient abstenus. On dépassait donc largement les clivages politiques. Cette fois, le sénateur Sido s'apprête à signifier au gouvernement qu'il n'a pas respecté la loi sur le sujet (quid des autres Bure, pour comparer les vertus de l'argile et du granite ?). Pour la première fois à l'ouest de la frontière Meuse/Haute-Marne, on évoque même publiquement, du RPR au PC , un débat public sur la question. Heuros frémissements, en quelque sorte.

Chute , chut !

Ça tombe mal, cette chute d'un ouvrier dans le puits principal de Bure. Il n'y avait pas pire symbole (ou meilleur endroit) pour nous rappeler à notre condition d'homme. Car à Bure, tout est prévu pour que tout se passe bien. Tout est prévu. Sauf que là où tout est prévu, un homme est tombé dedans. Erreur humaine ou trahison du matériel, peu importe. Il y a eu faille.
Mardi soir, à Brottes, la faille était dans la salle : tous ces maires absents pour écouter un spécialiste des nouveaux territoires. Pas si nouveaux que ça du côté de Langres ; qui se dessinent seulement dans le nord et s'esquissent à peine au centre. On se doute bien que le grand débat est là, que ces territoires en gestation relèvent de l'opportunité intelligente, que ne rien faire, c'est mourir idiot. Les idiots ont toujours eu du mal à partager.
Il a fallu faire venir un député nantais pour qu'il nous explique qu'à la base de tout, il y a le projet. C'était fascinant. La salle restait bouche bée. Quelle intelligence ! Or,
un Haut-Marnais avait dit et écrit la même chose dès février 1997. Pour tenter de résumer les subtilités de la pensée d'un Jean-François Chanot, «un territoire, c'est de la surface avec du projet ». Or, la surface, on l'a. Quant au projet, imaginons donc "quelque chose" d'ostensiblement tourné vers le progrès au sens le plus large. On appelle cela du lien. Les souris comprennent déjà. Ça va venir, le déclic des clics.
Une fois de plus, dans ce domaine comme en d'autres, il y a ici ce qu'il faut pour progresser. Si tant est que les Haut-Marnais croient aux qualités… des Haut-Marnais. Car ils en ont. Si, si. Mais chut !

Le vent l'emportera

Noir décembre ; désirs étouffés ; sombres perspectives. Ce ne sont plus les tours du 11 septembre, qui s'effondrent. C'est le moral. Noël n'a jamais été aussi éloigné de la Haute-Marne : commerces timorés, lumières sages, porte-monnaies craintifs. Les guirlandes font de la résistance. Le foie gras ne joue même pas la provoc et Barbie fugue. La déprime règne. Rassurez-vous : le vent l'emportera.
Il emportera nos viles contrariétés de Haut-Marnais dubitatifs : des inquiétudes pour Valfond et l'emploi, légitimes, à l'avenir de nos volleyeurs chaumontais et footballeurs bragards (certes, mais bon…) en passant bien plus sérieusement par l'exode de nos meilleurs jeunes. Il emportera tout cela, le vent.
Son souffle cautérisant nous fera enfouir dans les puits argileux les plus étanches de notre mémoire collective l'invitation officielle du Conseil général faite à MM. Mourot et Muller afin qu'il y exposent leurs idées sur Bure. Le vent emportera surtout le constat que le Conseil général en question est celui de la Meuse.
Dans les siècles des siècles à venir, puisse-t-il cependant, cet inlassable vent, ne jamais emporter ailleurs la moindre particule mortifère échappée des rassurantes certitudes de nos savants d'aujourd'hui. N'oublions pas qu'aucune Madame Irma, aucun spécialiste diplômé n'avait imaginé le 11 septembre. Et après le capricieux nuage de Tchernobyl, le vent a emporté la poussière des tours.
Donnons du temps à la réflexion avant de donner de la prise au vent.

Bonnet d'âne ?

Pour faire court, pour voir court aussi, tout fout le camp. Les jeunes. Les desseins. Le plus ambitieux projet en ce département (mais au fait, de qui, vraiment, en Haute-Marne ?) vise à creuser une profonde et étanche poubelle. On veut aussi bâtir autour du nom de De Gaulle. Un nom qui cause encore aux oreilles des décideurs d'aujourd'hui. Mais des jeunes visiteurs de demain ?
Il n'y aurait que le Cecyn pour nous remettre la nature en tête et les pieds sur terre… C'est pour quand, au fait ?
Cette semaine, on gagnerait à faire fi des affligeants soubresauts judiciaires d'un maire en procès contre sa propre commune. Certains supporters aussi décevants que déçus mettraient plus d'énergie à… supporter qu'à siffler, leurs couleurs locales ne s'en hisseraient que plus haut.
Le président d'Anes et découvertes, organisateur d'une fête de l'âne qui marque des points chaque année (encore un événement qui marche directement lié à la nature), a eu cette semaine cette phrase emblématique pour nous : «contrairement à ce que l'on croit, les ânes sont aptes à faire des choses». Et bien affirmons-le haut et fort, contrairement à ce que l'on voit souvent : les Haut-Marnais aussi.

Nature

Que retenir de cette semaine en Haute-Marne ? L'avenir répondra sans doute : les premiers pas d'un possible Pays que l'on nommera pour l'instant du Nord-Haute-Marne, afin que la Bragardie n'effraie point trop les communes jalouses de leur identité. Et en même temps, on veut faire l'Europe ! Passons…
S'il est une leçon que nous donne le présent, c'est bien celle des Dervois, organisateurs, une fois de plus, d'un superbe Festival. N'oublions pas une chose : tout est parti d'une initiative du milieu associatif. Quel succès populaire, comparé, par exemple, au Festival d'affiches, imposé lui, jadis, par des élus.
Cette année, les trois plus grosses manifestations, celles qui auront mobilisé le plus de Haut-Marnais, celles qui auront fait venir le plus «d'étrangers» ont toutes un rapport direct avec la substantifique moelle de ce département, Dame Nature : la photo animalière, la chasse et la fête des moissons.
Une nature sublimée, suspendue aux cimaises de Montier-en-Der autour desquelles ont pouvait, dès hier, entendre plusieurs langues, toutes admiratives.
A méditer, non ?

Amnésie

Grace aux Verts, on sait ce qu'il est de l'irrévocabilité. Faut-il décliner l'irrespect à l'échelon départemental ? Les socialistes – les nôtres, bien de chez nous, ceux de la circonscription sud – nous incitent à le croire.
Comment interpréter autrement la valse-hésitation qui leur tient lieu de tactique en vue des législatives ?
Officiellement, ils en sont encore à attendre de savoir si Jean-Claude Daniel y retourne ou pas.
Risquons deux hypothèses urticantes :
- Soit ils souffrent d'une amnésie aussi sélective que collective ; car Jean-Claude Daniel a répondu sans équivoque, voilà presque un mandat, à cette question.
- Soit leur naïve sincérité laisse entendre que la parole de Jean-Claude Daniel serait imprégnée d'une fâcheuse relativité, que certes, il avait dit, mais que bon… Et puis il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
Voilà cinq ans, l'honnêteté du candidat Daniel a prévalu dans le choix des électeurs. Ses adversaires ne l'ont jamais mise en doute, sur aucun dossier. Et voilà qu'aujourd'hui, son propre camp laisse croire que sa parole ne serait pas… irrévocable !
A celui qui s'était engagé à ne faire qu'un mandat, on pourrait rappeler l'adage : «méfie-toi de tes amis». Il se pourrait que ce ne soit pas nécessaire.

Fissures

Le pire n'est jamais sûr. Voilà quelque temps, chacun aurait parié gros (une salle des fêtes en argile garanti étanche plusieurs siècles par exemple) que des déchets hautement radioactifs seraient enfouis un jour dans le sous-sol haut-marnais. D'ailleurs, c'est le dossier qui avait commencé par être sciemment enterré. Or, il y avait plus de grains de sable dans la belle mécanique enfouisseuse que dans l'argile de Bure :
Un seul site (le nôtre) au lieu des multiples prévus par la Loi. Du radon capricieux et têtu, de l'eau là où tout devait être sec, et maintenant d'éventuels mini-séismes et de possibles failles. Cela fait désordre, sans même évoquer un récent et trop discret accord Etat-Andra.
A tel point qu'un député meusien et des membres du Conseil général de là-bas se posent aujourd'hui officiellement des questions, évoquent leur trouble et demandent à entendre les deux parties.
Nos élus haut-marnais ont moins de doute. Ou ne les expriment pas. Par pudeur, sans doute. A moins qu'ils n'aient pas lu avec l'attention requise toutes les pièces du dossier et l'intégralité de la Loi.
L'Andra nous dit d'une mâle assurance : je maîtrise tout. Comme si Louis XIV avait prévu les deux premières guerres mondiales et les tours de New-York. En face, le Cedra nous explique avec force arguments ce qu'il ne faut surtout pas faire des déchets alors qu'on aimerait justement savoir enfin ce qu'il faut en faire. Que de certitudes partout !
Côté élus meusiens, on note d'infinitésimales fissures absolument pas radioactives dans la certitude monolithique de l'enfouissement. Là-bas, on se dit : "et si ?"
Et ici ? On se dit quoi ?

Bons plans

A quelques jours d'intervalle, Jean-Louis Etienne (Conseil régional) nous vante son "plan d'investissement des lycées" alors que Bruno Sido (Conseil général) évoque son "plan collèges". Tant de sollicitudes pour notre avenir !
Le "bon plan" consiste cette semaine à lire aussi l'Express.
En termes de dépenses moyennes d'investissement par lycéen, la Champagne-Ardenne se classe dans le peloton de queue des régions (59 443 F). Elle s'en sort certes nettement mieux en dépenses de fonctionnement.
Du côté des départements, cela fait très mal aussi. Au rang des dépenses d'investissement par collégien, la Haute-Marne arrive elle aussi dans le peloton de queue (19 381 F). Risquons une comparaison avec ce qui est comparable ; la Lozère, par exemple : (68 000 F). Là, on se fait du mal, d'autant, il est vrai, que l'on se trouve un peu moins minable en dépenses de fonctionnement.
On sait justement que ce fonctionnement se conjugue au présent alors que l'investissement préfère le futur. Voilà qui est bien révélateur de la décennie 88-98 ! Félicitons donc MM Etienne et Sido de leurs récents bons plans : s'il n'est jamais trop tard pour bien faire, il est parfois bien tard…

Vivement demain

Or donc, il aura fallu patienter jusqu'en 2002 pour voir s'accomplir «les premières grandes réalisations du Conseil général». Acceptons-en l'augure. On est heureux de l'apprendre, même si, pour la fine bouche, deux questions nous démangent la plume :
Mesdames, Messieurs, qu'ont donc fait vos prédécesseurs depuis tant d'années ?
Mais au fait, n'en étiez-vous point ?
Cessons là. Dans une bouche politique, le futur haut-marnais se conjugue théoriquement avec plus de bonheur que le passé avéré, ancré aux faits… et surtout au non-fait.
On peut sourire aux bons mots et vilaines piques des uns aux autres. De nos jours, les petites phrases mouillées d'acide ont bien du mal à palier l'absence de grandes phases. Quid de la formation ? Ont-ils seulement évoqué les jeunes ?
Nous voilà donc engagés «dans la voie d'une Haute-Marne plus forte et plus ambitieuse pour un avenir plus serein». Permettez, Mesdames, messieurs, au quidam moyen qui vous a élu, d'attendre de vous des actes autrement plus modernes que votre rhétorique fatiguée.

Tôt ou tard

C'est à deux heures d'autoroute d'un écrin vert appelé "Haute-Marne" que les investisseurs, grands patrons, leaders d'opinion de toute l'Europe envisagent d'investir ou de se développer dans les quinze ans à venir. Argument avancé : la qualité de la vie. Dans le même temps, l'écrin vert se laisse transformer en poubelle nucléaire. Cherchez l'erreur, sinon, plus tard, vous chercherez autre chose. Mais il n'est pas trop tard.
Un écrin vert décidément complexe, pas toujours facile à appréhender intellectuellement : cette terre d'élevage est en passe de saborder aussi consciencieusement que lamentablement son abattoir. La filière viande manquerait-elle de cervelle ? Tant pis. On ira acheter ailleurs, à des tarifs imposés par d'autres, la viande élevée sur place. Cherchez l'erreur ; il est encore temps.
Le service public s'intéresse enfin au Vert-Bois. Les fonctionnaires-décideurs se rapprochent de leur raison d'être, le public, et nous présentent la démarche comme une avancée majeure. On peut aussi dire qu'il leur a fallu attendre le troisième millénaire pour combler une lacune criante, une injustice flagrante, pour tous ces Haut-Marnais qui vivent dans les ex-cités nouvelles. Il n'est jamais trop tard.