A
la carte
Les
cartes de vœux de François Cornut-Gentille (député)
et ceux de Charles Guéné (sénateur)
ne sont pas – à ce jour – parvenus jusqu'à nous.
Le réseau routier, un tantinet perturbé ces
derniers jours autour de Chaumont en est sans doute seul
responsable. Passons.
Ceux de Jean-Claude-Daniel (député), Bruno Sido (sénateur)
et Jean-Philippe Geoffroy (préfet) sont déjà venus
flatter un œil gourmand. La palme de l'originalité revient
au député-maire de Chaumont. La talentueuse graphiste du
service communication de la ville a délicatement détourné une échographie
; on devine un 2 dans des entrailles pleines de vie, un 2 prometteur. Serait-ce
celui de son 2e mandat ?
Les vœux du préfet évoquent – pur hasard – les
thèmes chevènementistes (Hugo, la révolution de 1848)
déclinés localement (Louise Michel). La République,
c'est sûr. Mais la République d'hier.
Bruno Sido est de loin celui qui offre le plus à lire. Du texte
de tous les côtés. Du texte qui nous parle de… l'écrit.
Diderot et son Encyclopédie d'un côté, les pages Web
du Conseil général de l'autre. Internet y est omniprésent.
Des vœux au futur proche, à l'instar de ceux du plumitif commis à chronique
: formulons ensemble le souhait que chacun de vous trouve de l'intérêt,
voir du plaisir, à parcourir quotidiennement ces pages, au bonheur
d'une lecture… à la carte.
Même
combat
Quel
formidable cadeau le Père-Noël Sido vient d'offrir
aux garnements du comité contre l'enfouissement des
déchets radioactifs. Qu'ils se méfient (mais
ils sont méfiants, voire outrageusement soupçonneux)
le présent pourrait être à double tranchant
pour l'avenir. Habile !
D'abord, Bruno Sido permet au Conseil général de renouer – à travers
sa seule personne – avec le dossier "patate chaude". Il
y avait Jean-Luc Bouzon «qui posait les bonnes questions».
Désormais, ils sont deux.
Il coupe aussi l'herbe sous le pied du Cédra. Avec sa question,
il a fait plus pour mettre les choses au point que les opposants depuis
des années. Il reprend la main, au moment-même où le
Conseil général de la Meuse commence à émettre,
disons, "des doutes" médiatisés sur l'affaire.
Il se fait probablement fort d'expliquer à son ami Antoine (Allemeersch)
qu'il reste bien sûr tout à fait "pour" mais que
bon…
Facilement réélu, désormais sénateur, Bruno
Sido s'est doté d'une toute autre stature cette année. Plus
fort que jamais, il prend désormais le temps d'écouter. Et
d'agir autrement. La politique lui donnait faim. Voilà qu'il l'appréhende
en gourmet. Alors ? Sido-Cedra même combat ? Pas si sûr…
Alors,
heuros ?
On
ne peut pas tout à fait dire que le vent tourne, mais
bon… L'année ne se termine pas si mal. Ces derniers
mois, les acteurs consciencieux du Pays de Langres ont fait
des petits dans le nord et le centre. Bruno Sido annonce même
une grand-messe spéciale "pays". Le jour de
mise à disposition des fameux euros, la Haute-Marne
se met à l'heure de l'Europe.
Tout change, lentement mais sûrement. Surtout lentement par ici. Mais
bon. Autre signe positif : l'attitude des élus sur Bure. Jadis, au
premier vote des conseillers généraux, il n'y eut qu'un contre.
Au second vote, on en compta cinq. La dernière fois, ils étaient
six et deux s'étaient abstenus. On dépassait donc largement
les clivages politiques. Cette fois, le sénateur Sido s'apprête à signifier
au gouvernement qu'il n'a pas respecté la loi sur le sujet (quid des
autres Bure, pour comparer les vertus de l'argile et du granite ?). Pour
la première fois à l'ouest de la frontière Meuse/Haute-Marne,
on évoque même publiquement, du RPR au PC , un débat
public sur la question. Heuros frémissements, en quelque sorte.
Ça
tombe mal, cette chute d'un ouvrier dans le puits principal
de Bure. Il n'y avait pas pire symbole (ou meilleur endroit)
pour nous rappeler à notre condition d'homme. Car à Bure,
tout est prévu pour que tout se passe bien. Tout est
prévu. Sauf que là où tout est prévu,
un homme est tombé dedans. Erreur humaine ou trahison
du matériel, peu importe. Il y a eu faille.
Mardi soir, à Brottes, la faille était dans la salle : tous
ces maires absents pour écouter un spécialiste des nouveaux
territoires. Pas si nouveaux que ça du côté de Langres
; qui se dessinent seulement dans le nord et s'esquissent à peine
au centre. On se doute bien que le grand débat est là, que
ces territoires en gestation relèvent de l'opportunité intelligente,
que ne rien faire, c'est mourir idiot. Les idiots ont toujours eu du mal à partager.
Il a fallu faire venir un député nantais pour qu'il nous explique
qu'à la base de tout, il y a le projet. C'était fascinant.
La salle restait bouche bée. Quelle intelligence ! Or,
un Haut-Marnais avait dit et écrit la même chose dès
février 1997. Pour tenter de résumer les subtilités
de la pensée d'un Jean-François Chanot, «un territoire,
c'est de la surface avec du projet ». Or, la surface, on l'a. Quant
au projet, imaginons donc "quelque chose" d'ostensiblement tourné vers
le progrès au sens le plus large. On appelle cela du lien. Les souris
comprennent déjà. Ça va venir, le déclic des
clics.
Une fois de plus, dans ce domaine comme en d'autres, il y a ici ce qu'il
faut pour progresser. Si tant est que les Haut-Marnais croient aux qualités… des
Haut-Marnais. Car ils en ont. Si, si. Mais chut !
Le
vent l'emportera
Noir
décembre ; désirs étouffés ;
sombres perspectives. Ce ne sont plus les tours du 11 septembre,
qui s'effondrent. C'est le moral. Noël n'a jamais été aussi éloigné de
la Haute-Marne : commerces timorés, lumières
sages, porte-monnaies craintifs. Les guirlandes font de la
résistance. Le foie gras ne joue même pas la
provoc et Barbie fugue. La déprime règne. Rassurez-vous
: le vent l'emportera.
Il emportera nos viles contrariétés de Haut-Marnais dubitatifs
: des inquiétudes pour Valfond et l'emploi, légitimes, à l'avenir
de nos volleyeurs chaumontais et footballeurs bragards (certes, mais bon…)
en passant bien plus sérieusement par l'exode de nos meilleurs jeunes.
Il emportera tout cela, le vent.
Son souffle cautérisant nous fera enfouir dans les puits argileux
les plus étanches de notre mémoire collective l'invitation
officielle du Conseil général faite à MM. Mourot et
Muller afin qu'il y exposent leurs idées sur Bure. Le vent emportera
surtout le constat que le Conseil général en question est
celui de la Meuse.
Dans les siècles des siècles à venir, puisse-t-il
cependant, cet inlassable vent, ne jamais emporter ailleurs la moindre
particule mortifère échappée des rassurantes certitudes
de nos savants d'aujourd'hui. N'oublions pas qu'aucune Madame Irma, aucun
spécialiste diplômé n'avait imaginé le 11 septembre.
Et après le capricieux nuage de Tchernobyl, le vent a emporté la
poussière des tours.
Donnons du temps à la réflexion avant de donner de la prise
au vent.
Bonnet
d'âne ?
Pour
faire court, pour voir court aussi, tout fout le camp. Les
jeunes. Les desseins. Le plus ambitieux projet en ce département
(mais au fait, de qui, vraiment, en Haute-Marne ?) vise à creuser
une profonde et étanche poubelle. On veut aussi bâtir
autour du nom de De Gaulle. Un nom qui cause encore aux oreilles
des décideurs d'aujourd'hui. Mais des jeunes visiteurs
de demain ?
Il n'y aurait que le Cecyn pour nous remettre la nature en tête et
les pieds sur terre… C'est pour quand, au fait ?
Cette semaine, on gagnerait à faire fi des affligeants soubresauts
judiciaires d'un maire en procès contre sa propre commune. Certains
supporters aussi décevants que déçus mettraient plus
d'énergie à… supporter qu'à siffler, leurs couleurs
locales ne s'en hisseraient que plus haut.
Le président d'Anes et découvertes, organisateur d'une fête
de l'âne qui marque des points chaque année (encore un événement
qui marche directement lié à la nature), a eu cette semaine
cette phrase emblématique pour nous : «contrairement à ce
que l'on croit, les ânes sont aptes à faire des choses».
Et bien affirmons-le haut et fort, contrairement à ce que l'on voit
souvent : les Haut-Marnais aussi.
Nature
Que
retenir de cette semaine en Haute-Marne ? L'avenir répondra
sans doute : les premiers pas d'un possible Pays que l'on nommera
pour l'instant du Nord-Haute-Marne, afin que la Bragardie n'effraie
point trop les communes jalouses de leur identité. Et
en même temps, on veut faire l'Europe ! Passons…
S'il est une leçon que nous donne le présent, c'est bien celle
des Dervois, organisateurs, une fois de plus, d'un superbe Festival. N'oublions
pas une chose : tout est parti d'une initiative du milieu associatif. Quel
succès populaire, comparé, par exemple, au Festival d'affiches,
imposé lui, jadis, par des élus.
Cette année, les trois plus grosses manifestations, celles qui auront
mobilisé le plus de Haut-Marnais, celles qui auront fait venir le
plus «d'étrangers» ont toutes un rapport direct avec la
substantifique moelle de ce département, Dame Nature : la photo animalière,
la chasse et la fête des moissons.
Une nature sublimée, suspendue aux cimaises de Montier-en-Der autour
desquelles ont pouvait, dès hier, entendre plusieurs langues, toutes
admiratives.
A méditer, non ?
Amnésie
Grace
aux Verts, on sait ce qu'il est de l'irrévocabilité.
Faut-il décliner l'irrespect à l'échelon
départemental ? Les socialistes – les nôtres,
bien de chez nous, ceux de la circonscription sud – nous
incitent à le croire.
Comment interpréter autrement la valse-hésitation qui leur
tient lieu de tactique en vue des législatives ?
Officiellement, ils en sont encore à attendre de savoir si Jean-Claude
Daniel y retourne ou pas.
Risquons deux hypothèses urticantes :
- Soit ils souffrent d'une amnésie aussi sélective que collective
; car Jean-Claude Daniel a répondu sans équivoque, voilà presque
un mandat, à cette question.
- Soit leur naïve sincérité laisse entendre que la parole
de Jean-Claude Daniel serait imprégnée d'une fâcheuse
relativité, que certes, il avait dit, mais que bon… Et puis
il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
Voilà cinq ans, l'honnêteté du candidat Daniel a prévalu
dans le choix des électeurs. Ses adversaires ne l'ont jamais mise
en doute, sur aucun dossier. Et voilà qu'aujourd'hui, son propre
camp laisse croire que sa parole ne serait pas… irrévocable
!
A celui qui s'était engagé à ne faire qu'un mandat,
on pourrait rappeler l'adage : «méfie-toi de tes amis».
Il se pourrait que ce ne soit pas nécessaire.
Fissures
Le
pire n'est jamais sûr. Voilà quelque temps, chacun
aurait parié gros (une salle des fêtes en argile
garanti étanche plusieurs siècles par exemple)
que des déchets hautement radioactifs seraient enfouis
un jour dans le sous-sol haut-marnais. D'ailleurs, c'est le
dossier qui avait commencé par être sciemment
enterré. Or, il y avait plus de grains de sable dans
la belle mécanique enfouisseuse que dans l'argile de
Bure :
Un seul site (le nôtre) au lieu des multiples prévus par la
Loi. Du radon capricieux et têtu, de l'eau là où tout
devait être sec, et maintenant d'éventuels mini-séismes
et de possibles failles. Cela fait désordre, sans même évoquer
un récent et trop discret accord Etat-Andra.
A tel point qu'un député meusien et des membres du Conseil
général de là-bas se posent aujourd'hui officiellement
des questions, évoquent leur trouble et demandent à entendre
les deux parties.
Nos élus haut-marnais ont moins de doute. Ou ne les expriment pas.
Par pudeur, sans doute. A moins qu'ils n'aient pas lu avec l'attention requise
toutes les pièces du dossier et l'intégralité de la
Loi.
L'Andra nous dit d'une mâle assurance : je maîtrise tout. Comme
si Louis XIV avait prévu les deux premières guerres mondiales
et les tours de New-York. En face, le Cedra nous explique avec force arguments
ce qu'il ne faut surtout pas faire des déchets alors qu'on aimerait
justement savoir enfin ce qu'il faut en faire. Que de certitudes partout
!
Côté élus meusiens, on note d'infinitésimales
fissures absolument pas radioactives dans la certitude monolithique de l'enfouissement.
Là-bas, on se dit : "et si ?"
Et ici ? On se dit quoi ?
A quelques jours d'intervalle, Jean-Louis
Etienne (Conseil régional) nous vante son "plan
d'investissement des lycées" alors que Bruno Sido
(Conseil général) évoque son "plan
collèges". Tant de sollicitudes pour notre avenir
!
Le "bon plan" consiste cette semaine à lire aussi l'Express.
En termes de dépenses moyennes d'investissement par lycéen,
la Champagne-Ardenne se classe dans le peloton de queue des régions
(59 443 F). Elle s'en sort certes nettement mieux en dépenses de fonctionnement.
Du côté des départements, cela fait très mal aussi.
Au rang des dépenses d'investissement par collégien, la Haute-Marne
arrive elle aussi dans le peloton de queue (19 381 F). Risquons une comparaison
avec ce qui est comparable ; la Lozère, par exemple : (68 000 F).
Là, on se fait du mal, d'autant, il est vrai, que l'on se trouve un
peu moins minable en dépenses de fonctionnement.
On sait justement que ce fonctionnement se conjugue au présent alors
que l'investissement préfère le futur. Voilà qui est
bien révélateur de la décennie 88-98 ! Félicitons
donc MM Etienne et Sido de leurs récents bons plans : s'il n'est jamais
trop tard pour bien faire, il est parfois bien tard…
Vivement demain
Or donc, il aura fallu patienter
jusqu'en 2002 pour voir s'accomplir «les premières
grandes réalisations du Conseil général».
Acceptons-en l'augure. On est heureux de l'apprendre, même
si, pour la fine bouche, deux questions nous démangent
la plume :
Mesdames, Messieurs, qu'ont donc fait vos prédécesseurs depuis
tant d'années ?
Mais au fait, n'en étiez-vous point ?
Cessons là. Dans une bouche politique, le futur haut-marnais se
conjugue théoriquement avec plus de bonheur que le passé avéré,
ancré aux faits… et surtout au non-fait.
On peut sourire aux bons mots et vilaines piques des uns aux autres. De
nos jours, les petites phrases mouillées d'acide ont bien du mal à palier
l'absence de grandes phases. Quid de la formation ? Ont-ils seulement évoqué les
jeunes ?
Nous voilà donc engagés «dans la voie d'une Haute-Marne
plus forte et plus ambitieuse pour un avenir plus serein». Permettez,
Mesdames, messieurs, au quidam moyen qui vous a élu, d'attendre
de vous des actes autrement plus modernes que votre rhétorique fatiguée.
Tôt ou
tard
C'est à deux heures d'autoroute
d'un écrin vert appelé "Haute-Marne" que
les investisseurs, grands patrons, leaders d'opinion de
toute l'Europe envisagent d'investir ou de se développer
dans les quinze ans à venir. Argument avancé :
la qualité de la vie. Dans le même temps,
l'écrin vert se laisse transformer en poubelle nucléaire.
Cherchez l'erreur, sinon, plus tard, vous chercherez autre
chose. Mais il n'est pas trop tard.
Un écrin vert décidément complexe, pas toujours
facile à appréhender intellectuellement : cette terre d'élevage
est en passe de saborder aussi consciencieusement que lamentablement
son abattoir. La filière viande manquerait-elle de cervelle ?
Tant pis. On ira acheter ailleurs, à des tarifs imposés
par d'autres, la viande élevée sur place. Cherchez l'erreur
; il est encore temps.
Le service public s'intéresse enfin au Vert-Bois. Les fonctionnaires-décideurs
se rapprochent de leur raison d'être, le public, et nous présentent
la démarche comme une avancée majeure. On peut aussi dire
qu'il leur a fallu attendre le troisième millénaire pour
combler une lacune criante, une injustice flagrante, pour tous ces Haut-Marnais
qui vivent dans les ex-cités nouvelles. Il n'est jamais trop tard.
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