Les
taliban, si loin, si près
Que n'a-t-on
pas dit sur les taliban ! (sans "s", invariable comme "grave" lorsqu'
utilisé pour ses vertus adverbiales, au détail
près que "taliban" n'est pas un adverbe, mais
une plaie). Donc, les taliban ont un pluriel singulier et des
murs nuisibles : dans le désordre, ils relookent
les uvres d'art au calibre 75, privent leurs femmes de
liberté, et condamnent aux gémonies terrestres
tout ce qui ne prie pas ou ne pense pas comme eux. Les taliban
vivent sur les hauts plateaux afghans. Pas tous. Beaucoup. Mais
pas tous. Il se murmure depuis quelques jours qu'ils auraient
fait des petits en Haute-Marne
Des membres du Kiwanis de Chaumont menacent de démissionner si la
mixité est adoptée au club. Quant au président du Lion's
Club Chaumont-Donjon, il assure, même en dehors du premier avril : «je
ne souhaite pas que des femmes fassent partie de notre club ; leur présence
risquerait de mettre en péril la convivialité [
]» Ne
demandez peut-être pas à ces gens-là de dynamiser la
Haute-Marne. Sinon, à l'aube du troisième millénaire,
on part avec un sérieux handicap.
Mais veut-on vraiment dynamiser ce territoire ? À Saint-Broingt-les-Fosses,
charmante bourgade de 154 habitants du canton de Prauthoy, 74 bonnes âmes
refusent un projet de ferme thérapeutique. Le «chassez donc
les vils gueux ne notre vue» suinte entre chacune des lignes de leur
pétition. Il est pourtant gravé sur le monument aux morts de
la commune :
« Les hommes doivent réagir contre leur méconnaissance, parvenir à sentraider,
se compléter, pour mieux ordonner les besoins et les harmoniser.»
Et aussi :
« [
] sefforcer de définir et concilier les responsabilités
pour rendre effective leur solidarité, unir leurs efforts et coopérer à leur
unité progressive dans la diversité.»
Je connais des clubs qui pourraient s'inspirer de cette prose pour leur devise
Ça va r'gneuter
L'temps s'peussit ; ça va
r'gneuter. L'expression fleure bon le patois bassignot. elle
est relativement peu usitée dans le Monde diplomatique.
Mais par ici, elle dit bien ce qu'elle veut dire : le ciel
se fait menaçant. Or, les nuages ne sont pas que d'eau, à la
verticale de nos champs moissonnés. L'horizon économique
haut-marnais est sombre. Il l'est à tel point que le
président du Conseil général prend le
risque de mobiliser l'ensemble des forces vives afin de préparer
au mieux les assises de janvier. Il prend un risque, car si
les Haut-Marnais, sur ce coup-là, ne se remuent pas,
on va se retrouver avec une ordonnance imposée par un
cabinet parisien. Ce bon docteur saura-t-il appréhender,
en six mois, la substantifique moelle de notre terroir aux
particularismes un tantinet subtils ?
Bruno Sido ouvre le débat. Dont acte. Il veut des idées ?
Chiche ! On va lui en donner. On, c'est nous, vous, moi. Nous qui ne sommes
pas élus mais qui faisons tourner la machine. On, c'est les citoyens.
De droite. De gauche. D'en haut. D'en bas. Des écoles, des entreprises,
des associations. Ceux qui n'ont pas forcément envie de vivre dans
une réserve ; ceux qui savent que l'économie peut être
dynamique et propre ; ceux qui pensent que les techniques de demain permettent
de marier travail performant et cadre de vie naturel. Tout cela a un nom
: l'avenir. Que ceux qui y croient préparent leur plume et affûtent
leurs arguments. Laissons les blasés et les perdants ricaner dans
leur coin. On, nous, vous, moi, qu'avons nous à proposer, qui sommes-nous
prêts à écouter ?
Répondez. Vite. Sinon...
...Sinon, ça va r'gneuter.
Ma bonne dame
Le temps n'est plus ce qu'il était.
Le temps, pas la météo. Le temps. Celui que nous
avons saucissonné en années, en saisons. Avant,
l'été, ici, c'était les travaux des champs
pour les ruraux, un des cinq lacs pour les urbains. Point. Les "moiss-bat" refroidies,
on attendait la rentrée. On siestait gentiment jusqu'au
retour des vacanciers, des soucis, des élus, des projets.
Y'a plus da saison, ma bonne dame. Plus de parenthèses estivales non
plus. En plein juillet, le Conseil général jadis si léthargique
en quelque moment de l'année que ce fût, offre à nos
neurones en pré-bronzage le colloque sur Bure et la préparation
des assises du développement ! Si cela ne suffisait pas, voilà que
le bassin de Nogent, irréductible repaire d'individualistes forcenés,
nous gratifie de Nogentech. Point trop n'en faut !
Je sais même des entreprises qui se mobilisent pour décrocher
le pompon ISO 14000 alors qu'il y a un an, on y parlait que du camping des
flots bleus. Sans compter le Chien, à nouveaux caressé dans
le sens des plumes par d'autres médias nationaux que ceux déjà évoqués
ici. Vous rappellerais-je que le très départemental Château
et son jardin font enfin véritablement honneur aux très chaumontaises
affiches alors que Jean-Claude Daniel confie qu'il entend bien apporter une
contribution constructive aux assises de Bruno Sido. Si, si.
Gardons-nous bien de tout enthousiasme excessif. Mais bon, le fond de l'air
s'avère presque revigorant. Pas encore euphorisant. Mais on devine
d'heureux frémissements. Comme répétait à l'envi
une autre bonne dame d'antan au verbe corsé à propos de l'insolente
réussite de son empereur de fils : «pourvu que ça dure
!»
L'Express n° 2660 du 27 juin au
3 juillet avait de quoi réconcilier les Haut-Marnais avec
eux-mêmes. L'hebdo titrait sur «Le bonheur à la
campagne ; les Français y vivent de plus en plus».
Réconfortant, non, pour nous qui sommes la quintessence
de la campagne pur jus ? Seul hic, la petite phrase qui tue page
80 «il reste des territoires qui vont vraiment mal : les
Ardennes, la Meuse, la Haute-Marne, le Morvan, mais ils font
désormais figure d'exception». Ne sombrons pas dans
un pessimisme facile. Tout le reste du dossier peut dégager
des horizons et donner des idées à nos élus.
Il est une autre exception haut-marnaise que l'on se réjouit de retrouver
dans ce numéro 2660 d'anthologie pour la haute vallée de la
Marne : Manu Codjia. Le guitariste haut-marnais y est notamment qualifié de "modeste
surdoué". Le "brillant jeune homme" est au sommet de
son art. Comme quoi grandir par ici n'interdit pas de réussir. Autre
exception: Jonathan BERNAND, lycéen chaumontais, premier Prix en économie-droit
au Concours général. Celui-ci, laissons le poursuivre ses études
loin d'ici, et surtout, surtout, donnons-lui de bonnes raisons professionnelles
de revenir ensuite.
Le débat public promis sur Bure est devenu par la grâce des
mots un colloque "environnement-énergie". Le "hasard" du
calendrier le place pile-poil le jour du départ de la marche des opposants à Bure.
Forcément, Jean-Luc Bouzon voit rouge : «les élus opposés à l'enfouissement
des déchets n'ont pas été invités», vitupère-t-il
dans une lettre à Bruno Sido. Cela dit, Jean-Luc Bouzon omet de préciser
qu'il a été invité en tant que Conseiller général
et les maires l'ont été en tant que maires. Libre à lui
de ne pas venir s'il croît plus utile de marcher.
Un trou, c'est du vide avec quelque
chose autour. On peut être touché par du vide. Ou
touché par ce qui touche du vide. Trop abscons ? J'explique
: le trou de nos voisins meusiens, à Bure, nous touche
de près. Nous touche de près aussi le colloque-débat
de juillet sur le sujet. Bonne nouvelle : l'invitation est arrivée
hier matin au Cedra. Cela, c'est une invitation pertinente. Autrement
plus pertinente que celle qu'a reçue la famille de l'ouvrier
mort dans le trou
pour une visite gratuite et guidée
du site de l'Andra le jour des portes ouvertes. En matière
de tact, l'Andra creuse son trou.
On va nous dire que c'est un hasard malheureux. Un de plus. Les scientifiques
de l'Andra sont fâchés avec les probabilités improbables
: ces accidents qui ne devaient jamais arriver sur ce chantier modèle,
ce retard considérable pour un projet planifié aux petits oignons.
Evoquons plutôt ce qui nous fera sortir du trou : l'université rurale
du pays de Langres, bientôt hôte de quelques homologues européens,
ou encore les projets innovants qui émergent, entre Villiers-en-Lieu
et Vaux-sous-Aubigny. (A suivre
)
Parano
Le débat public promis jadis
sur Bure est devenu un colloque au mois de juillet. Ne nous
plaignons pas. Ç'aurait pu aussi être une séance à confesse
le 15 aôut. L'aile parano du Cedra, privée du
choix de la date (ne cherchez pas, il n'y a rien) va y trouver à redire,
avant. Puissions-nous surtout en savoir plus, après,
sur l'affaire du trou.
Le mammouth parano lève déjà sa trompe vindicte déjà à la
seule évocation du mot "enseignant" dans cette chronique.
Respirez ! les vacances sont toutes proches et surtout, on ne lira ici
que les louanges méritées par Christine Alliaud (Biesles)
et Isabelle Guilland (Chaumont) et tous leurs collègues pour leur
admirable travail musical. Les gamins qui passent entre leurs mains ont
ensuite quelque chose entre les oreilles. Formidable !
Vous avez jeté les tracts de la campagne ? Quel dommage. Ils sont
la preuve écrite (vu, le candidat) que les politiques locaux ont
des idées. Avant. Pour après, on jugera. (vu, l'électeur).
Parano ?
L'audace à l'affiche
Le Guide des festivals du Monde fait
autorité. Il recense tout ce que la France et l'Europe
offrent d'intéressant aux principaux sens cet été.
Nos confrères, élitistes, n'ont retenu que douze
manifestations pour l'ensemble des trois régions du grand
Est. Poussée d'adrénaline : L'audacieux Chien à plumes
en maillot de bain s'ébroue aux côtés des
Rencontres des Arts graphiques de Chaumont (le nôtre, le
Chaumont d'ici). Pas mal !
Restons dans les affiches. L'information qui compte, cette semaine, n'est
pas de savoir qui, de Sylvie Cotillot ou de Didier Jannaud, avait le droit
moral ou politique de s'afficher PRG. La Haute-Marne d'en bas se soucie du
PRG comme de sa première vache folle. La Haute-Marne d'en bas ne demande
pas aux candidats d'afficher des étiquettes découpées
suivant les pointillés d'idéologies défraichies. La
Haute-Marne d'en bas leur demande, à droite comme à gauche,
d'avoir du courage et des idées. Les deux termes tiennent en un seul
mot : l'audace. Et ce mot appartient à tout le monde. Dites le à ceux
qui seront élus demain soir.
Mais revenons à l'affiche. Celle qui compte, c'est celle qui va enfin
associer, au Grand Jardin, le Château des uns aux Silos des autres.
Voilà des années que la Haute-Marne attend l'événement
: le graphisme intellectuel de la ville de gauche pénètre enfin
au Château, symbole absolu de la politique culturelle du Conseil général
rural de droite. Les deux vont finalement s'apercevoir que l'autre n'est
pas si mauvais que cela. On progresse.
Une page entière, quadri, dans
l'Obs du 30 mai au 5 juin, consacrée au Festival de Chaumont.
On lit, déjà fier, et
damned ! Il s'agit
de celui de Chaumont
sur Loire. Zut !
Contrairement à ce que pourrait laisser croire un épineux symbole,
le monsieur en costume qui distribue des roses sur le marché à Chaumont
n'est pas socialiste. Mais au fait, Il est quoi ?
Il est candidat. Il a une chance sur deux (en termes de logique pure et dure)
d'être déçu demain soir. Parce que, comme une vingtaine
d'autres, haut-marnais de naissance ou de circonstances, il n'est sorti ni
de la cuisse de Zidane ni du quadriceps de Zupiter. Les zurnes sont à ce
point cruelles qu'elles vont renvoyer à leurs chères zétudes
la majorité de ceux qui voulaient faire la Loi et qui, à défaut,
vont nous zexpliquer que c'est de la faute des zournalistes.
Il y a ceux qui s'achètent
une virilité en signant le chèque de la BMW. A
chacun sa puissance.
Il y a ceux qui se donnent du courage en allant au bal, en bande, avec un
couteau en poche ; ceux-là mêmes qui perdent si stupidement
la mémoire lorsque le sang coule, lorsque le moins malin de la bande
se fait prendre, lorsqu'ils se débarrassent comme un seul homme de
leur couteau, de leurs souvenirs, de leur courage. A chacun son sens de l'honneur.
Il y a ceux qui se ruent sur le malheur comme jadis la vermine sur le bas
clergé. Ils se repaissent du sang et des larmes. Leurs vies sont à ce
point vides de substance, de sens, d'émotions qu'ils donnent à la
vile rumeur la matière qui fait défaut à leur quotidien.
Ceux-là sont ceux qui savent parce qu'ils savent, forcément que
la vérité n'est pas celle qu'on leur dit. La vérité,
on la cache, mais eux qui savent ils bavent. A ces vrais beaufs
de l'imagination, risquons une affirmation :
Bryan, l'enfant handicapé qui aimait la vie, est mort accidentellement.
Point.
Alors laissons la famille faire son deuil en paix.
Le mensuel professionnel Chantiers
BTP consacre dans son numéro 40 d'avril 2002 un dossier
de cinq pages sur la sécurité à Bure. «On
perçoit réellement une priorité totale à la
sécurité» peut-on notamment y lire.
Le 15 mai, Eric Joly, 33 ans, père de famille, trouve la mort au fond
du puits le plus sûr du monde. Et encore, pour l'instant, n'y stocke-t-on
que de l'eau et de l'air.
On poursuit ? On poursuit.
Le 18 mai au matin paraît dans la presse une annonce «recherche
chef de chantier à Bure». A peine quelques heures avant qu'Eric
Joly ne soit enterré.
On continue ? On continue.
Il faut aller fouiller dans le référentiel géologique
du site (5 tomes Plus de 500 pages). On y découvre le titre
: «zone équivalente de transposition des données du laboratoire à un
stockage». Stockage ? Tiens ! officiellement, il ne s'agissait que
d'un laboratoire.
Ils sont plutôt discrets sur Bure, ne trouvez-vous pas, nos nombreux
candidats à un poste qui leur permettra de voter, en 2006, ce qu'on
fera du trou. Car on y fera pas de stockage, c'est juré. Peut-être
de dépôt d'aveuglement et d'hypocrisie, alors. Mais sera-t-il
assez profond ?
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