Un routier sérieusement touché vendredi
dernier, deux motards gravement blessés dimanche, un mort
mardi, deux personnes gravement blessées mercredi, voilà pour
la semaine.
La grande faucheuse avait soif, en juillet, temps des moissons : quatre morts.
Seulement ? Seulement. La vacharde en a raté douze, qui en sont "que" grièvement
blessés. Combien de litres de sang, sur le bitume de Haute-Marne ?
Le compteur s'affole.
La France détient le record d'Europe de l'asphalte hémoglobinée.
Et en France, par département et tête de conducteur ? Ce sillon
carmin, au fond de nos verts vallons, qui semble ne jamais se tarir
À quel
rang place-t-il la Haute-Marne ?
Aux mois creux, un fonctionnaire zélé actualisait les compteurs
de vies volées : On pouvait lire : "depuis le début de
l'année, 10 morts sur les routes de Haute-Marne". Puis 13. Puis
15. Puis
Stop !
Ce n'est pas que le fonctionnaire soit parti se la couler douce, en congés.
C'est tout simplement que depuis quelques semaines, cela évolue trop
vite. Beaucoup trop vite. L'encre n'a même plus le temps de sécher.
Sur le bitume, on met de la sciure, pour absorber. Mais dans les têtes
? On fait comment, avec les mémoires, pour effacer ?
Les professionnels du tourisme haut-marnais
affichent deux certitudes : Les Français viennent de moins
en moins. Les étrangers connectés viennent de plus
en plus. Ils ont découvert notre département sur le
Web. Soit. Voyons comment.
Postulat de base : un étranger qui se respecte, citoyen britannique
ou nord européen, parle anglais, et surfe in english. Que soumet-il à son
moteur de recherche ? Glissons-nous virtuellement dans sa peau pâlotte
de buveur de bière :
1) du soleil, donc le sud (south, phonétiquement "saousse").
2) du vin, et tant qu'à venir en France, The vin (champagne,
phonétiquement champ-peigne).
Notre english-speaking virtual tourist va donc saisir dans la langue
de Shakespeare "Sud" et "Champagne". Cela tombe plutôt
bien pour les Relais du sud-Champagne où l'on a compris depuis longtemps
tout l'intérêt d'être présent sur le Web : sept
hôtels, deux restaurants, le tout en english version... Depuis, de
vrais petits malins ont inséré les deux mots magiques sur le
site de leur gîte haut-marnais. Le croirez-vous ? ceux-là ont
noté dès cette année une affluence inusitée de
Scandinaves. Il fallait y penser !
La chasse à l'imagination est une chasse moderne qui envoie les Suédois
au vert. La chasse aux sorcières est une chasse ancienne qui envoie
les préfets au placard. La chasse au temps est une chasse stupide
qui envoie les jeunes au cimetière : trois de plus cette semaine !
Quelques lignes iconoclastes au
cur d'août ne peuvent pas faire de mal.
Risquons un regard par-delà l'horizon, vers les blandices incertaines
de l'après-demain haut-marnais.
On voit se s'esquisser un vrai pays nord-Haute-Marne, autour d'une Bragardie
industrieuse, pointe méridionale d'un Triangle économiquement,
structurellement et culturellement cohérent. Beaucoup s'y emploient
déjà. Ils ont raison.
Le sud a pris de l'avance ; assez (hélas ?) pour relâcher
trop tôt l'effort d'imagination et d'actes d'un Pays de Langres remarquable
et remarqué. Ne le répétez pas, mais du rouge gouleyant
de Bourgogne irrigue les organes de cette Champagne en déshérence
qui fait du pied (de vigne) à la gironde cousine bourguignonne.
Un trou fait office de lien administratif entre ces deux cohérences
: Chaumont. Un arrondissement écartelé entre l'Aube, poste
avancé de l'ogre parisien, et la Lorraine. Si les territoires pertinents
de demain sont bien la conjonction d'une surface habitée et d'un
projet, le Pays chaumontais a-t-il une chance de devenir territoire ? Qu'en
pense-t-on du côté de Saint-Blin ? de Bourmont ?
Si 100 000 âmes n'est qu'un tout petit minimum pour les territoires
pertinents de demain, faut-il vraiment bâtir dans la douleur
qui plus est ce Pays chaumontais qui se cherche, et pour cause ?
L'autoroute qui frôle Chaumont fonce vers le sud. Pour aller à Reims,
il faut passer par Troyes.
Assez de temps perdu ! Chaumontais et Langrois sont condamnés à s'entendre, à coopérer, à envisager
sans hypocrisie un territoire unique, fondé sur un passé commun
(relisons Diderot : la coutellerie par exemple) et des projets ambitieux
que ni les uns ni les autres, seuls, ne sauront mener à terme. Le
symbole nécessaire de ce nouveau destin est tout simplement une
quatre-voies, axe rapide vital entre les deux cités et leurs zones
industrielles.
Vous étiez prévenus : ce serait iconoclaste !
Le Rectorat avait organisé l'été dernier
une université d'été à Langres. L'expérience
avait été couronnée de succès, tant
par le nombre des participants que par la qualité des débats.
Cette année ? Rien. Du moins, rien, de la part du pachyderme
d'antan à poil long.
Le mammouth boude-t-il notre département ? Qu'à cela ne tienne
: le sud-Haute-Marne aura tout de même son université : rurale,
certes, mais européenne, tout de même.
Villegusien, qui s'y entend en matière d'accueil, reçoit
donc l'étape haut-marnaise de l'Université rurale européenne.
Le Pays de Langres se replonge dans la mobilisation de matière grise.
A court terme, les Langrois n'y gagneront rien d'autre que la sympathie
des participants venus d'ailleurs. Mais au-delà des aimables sentiments
se profile tout simplement notre avenir : l'Europe et le Pays d'un côté (territoires
du nouveau siècle), la matière grise de l'autre, c'est à dire
une pensée qui échange sur la base de réseaux.
Nos hôtes vont s'y pencher sur les savoir-faire. Puissent-ils avoir
l'audace de conjuguer aussi ces deux verbes substantivement accolés
au futur. Ce territoire sait faire autre chose que planter des arbres et
tresser des paniers.
Chut ! ne le répétez
pas ! Les bonnes nouvelles, on gagne à croire qu'on est les
premiers à les apprendre, très tôt, les seuls à les
savoir. On se sent tout puissant à les répandre, avec
parcimonie, à des gens par nous choisis, sélectionnés,
même.
Alors voilà (mais chut, hein ? C'est promis ?) : un système
productif local entièrement dédié aux technologies de
l'information et de la communication va voir le jour en Haute-Marne. Dans
le jargon de ceux qui savent, on dit un "SPL TIC". Mais je ne vous
ai rien dit.
Je ne vous dis rien de plus sur le Pôle Diderot. Alors, re-chut ! Mais
l'ambitieux projet largement orienté TIC se trouve des alliés
de poids et passe en douceur à la vitesse supérieur.
Ce très provisoire double-scoop rejoint l'expérience de Pisseloup
relatée il y a quelques jours dans ces colonnes : l'internet haut-débit
par satellite. Celui qui permettra à la plus rurale des communes de
Haute-Marne, au trou d'entre les trous (Bure ne joue pas) de brancher ses
entreprises existantes ou à venir sur un Web confortable et professionnel.
Il fonctionne bien, et pour pas cher. Il n'est donc pas trop tard pour espérer.
Cette semaine de sale temps s'avère donc lumineuse. Un peu comme si
la Haute-Marne d'en haut, dans le premier cas, celle d'en bas dans le second,
se réveillaient avant l'heure et la rentrée pour nous dire
: n'attendez pas les assises du développement pour lâcher vos
idées, pour prendre des initiatives. Il n'est pas trop tôt.
Pas trop tard non plus, même si le site officiel du courrier de l'internet
citoyen, qui répertorie les communes dynamiques en ce domaine, ne
cite chez nous que la Bragardie. Tôt ou tard, ça va changer.
Pour l'heure, ça bouge. Et bien. Enfin ! Et ce n'est pas fini
Dans le cadre de notre série "profite
de la rentrée pour te faire de nombreux amis" évoquons
le Plan collège du Conseil général. Il fait
plaisir à tout le monde : aux conseillers généraux
pour leur réélection, aux artisans pour les marchés,
aux enseignants, pour le principe, et aux parents pour la proximité des
héritiers. Mais bon sang quelle erreur d'investir autant d'argent
pour d'aussi nombreux petits collèges, au détriment
de la qualité de l'enseignement. Rassemblons les potaches
dans des structures plus importantes, où ils disposeront de
plus d'options et de meilleur matériel, et mettons les bâtiments
libérés à la disposition des acteurs dynamiques
de l'économie et de l'associatif.
Dans le cadre de notre série "les pieds dans le plat", Charles
Guené a expliqué jeudi à un parterre de BTS que «68
% des échanges du Pays de Langres se font avec Dijon. [
] On
fait partie de la nébuleuse Bourguignonne. Il faut que l'on raisonne
avec cela».
Dans le cadre de notre série "les vrais scoops du faux billet",
certains, et non des moindres du Pays de Langres, étudient rien moins
que l'achat ou la location d'un faisceau satellitaire. Le haut-débit
indépendant, pas cher et partout en milieu rural est en vue.
Dans le cadre de notre série "la ligne pourpre", le bitume
haut-marnais est toujours aussi assoiffé de sang. Et aucune happy
end en vue au bout de la ligne droite
Les derniers
seront les premiers
Bruno Sido n'est pas arrivé à pied en Chine.
Encore l'eût-il envisagé ! le plus court chemin dans
l'absolu lui imposait de traverser la planète à la
Jules Verne : en creusant, tout droit. Le lecteur futé, abonné à cette
chronique, devine la suite : afin de s'épargner 228 mètres
d'efforts risqués, il aurait même pu partir du fond
du trou de Bure.
Il est illusoire de chercher ici un contrepet de mauvais aloi. Il n'est présentement
question que d'un raccourci théorique pour parvenir à pied
dans l'Empire du milieu. Ça ne vole pas haut. Bruno Sido, si. Il y
va en avion, lui, en Chine, sous sa casquette de sénateur.
Sous celle de président du Conseil général, il a fait
fort, très fort, cette semaine. Goûtez plutôt : «On
a voté la rénovation de tous les collèges. Ça
ne veut pas dire qu'on les rénovera tous». C'est passé comme
une lettre à la poste. Quand il reste un bureau de poste
Contournons plutôt son élégante figure de style, quelque
part entre doux euphémisme et litote absconse : les collèges
dans lesquels les travaux doivent débuter en derniers seront les premiers
à fermer.
CQFD !
Avec
des "si"
Si on vous dit : «un trou
au milieu de nulle part», vous pensez à quoi ? Attention,
il y a un piège. Eh non ! il ne s'agit pas de Bure, mais
de la Haute-Marne perçue pas les Chaumontais ; ils ont
exprimé ce désarroi lors du premier atelier des
assises.
Remarquez, ils n'ont pas tout à fait tort. La direction régionale
des affaires culturelles a envoyé cette semaine aux médias
champardennais un beau dossier de presse sur le programme des journées
du patrimoine. Du moins les trois-quarts du programme : exit la Haute-Marne.
Révélateur.
Si on vous dit «35 milliards d'euros», vous songez à la
part publique (un peu la nôtre) du déficit de France Telecom.
Si on construisait, avec ça, des éoliennes qui ne consomment
que du vent, on pourrait produire, gratuitement, assez d'électricité pour
alimenter onze millions de foyers.
Ne rêvons pas : on risque fort de payer à la fois pour le
déficit du grand communicateur ET pour notre facture d'électricité.
Reprenons nos 35 milliards. Combien pourrions-nous créer d'emplois
en Haute-Marne ? Combien pourrions-nous équiper d'entreprises,
de lycées, d'associations avec internet à haut-débit
(allez, pas rancunier pour deux euros, on prendrait Wanadoo
) ?
Combien de livres sur la Haute-Marne pourrait-on commander à des éditeurs
de ce département ?
On en connaît qui aiment
les petits sommes. Ces bienheureux siesteux-là ne dérangent
personne, sauf lorsqu'ils sont élus. Ils ont adopté puis
adapté la formule de Marx qui disait : «l'humanité ne
se pose que les problèmes qu'elle peut résoudre».
Remplacez "l'humanité" par "la Haute-Marne",
ou "mon canton", voire "ma commune". Et
bonne ronflette
Il en est d'autres qui commencent à s'ébrouer. Des quidams
comme vous et moi, élus ou pas, qui nous rappellent, un tantinet
agacés, qu'ils n'ont pas attendus les assises pour bouger (plutôt
au sud) ou pour repenser intelligemment la géographie (plutôt
au nord). Ceux-là-mêmes parfois élus qui
confient sous le sceaux du secret que si l'on veut enterrer un projet,
il n'est qu'à l'instruire en Haute-Marne comme lorsqu'au siècle
passé, De Gaulle disait : «créez une commission
!»
Pour rasséréner un centre déboussolé avec
la Haute-Marne d'en haut (d'un nord triangulaire) et celle d'en bas
(d'un sud autorouto-bourguignon), évoquons cette petite commune
du milieu, qui, depuis dix ans, a investit largement plus du million
d'euros et qui est passée de 200 à 300 habitants. Une
vraie commune rurale, pas une banlieue verdâtre. Avec des aides,
des subventions, beaucoup de travail, des projets menés à terme
; avec des jeunes qui restent, qui construisent. Un million d'euros, ça
commence à en faire, des sommes !
Sans vouloir vexer personne,
l'imagination n'a pas encore pris le pouvoir aux assises du
développement. Il est vrai que la première étape
n'était pas conçue pour cela. Il s'agissait de
prendre la température : un petit 36°5 du soir.
Faites chauffez la bouillotte de Mamie Haute-Marne.
Il s'est tout de même trouvé tel ou tel des nôtres
pour stimuler le débat. On n'ose dire "rehausser".
Notre homme cite d'abord un observateur extérieur : «mon
conseil ? installez des barbelés tout autour de votre département
et profitez de votre trésor». Et lui-même d'ajouter
: «Entre nous, nous le savions, mais c'est tellement plus convaincant
dit par un "étranger"».
1) A chacun ses étrangers.
2) Si nos savants ne savent pas quoi faire du trou de Bure, on pourra
y enfouir profondément de si navrantes suggestions.
3) A priori, au XXI siècle frémissant, c'est encore le
bétail qu'on entoure de barbelé.
Réservons le fil de fer aux vaches et chevaux, bêtes à concours
qui portent haut, elles, les couleurs de la Haute-Marne. Bénissons
les efforts de ceux qui, voilà trente ans, surent forcer le
destin pour ouvrir la Haute-Marne aux autoroutes. Louons ceux qui aujourd'hui
se battent pour irriguer ce département par le haut-débit
et les nouvelles technologies. Encourageons ceux qui ne désespèrent
pas encore de faire atterrir quotidiennement une aviation d'affaire à Semoutiers.
Sachons gré aux bons élus, aux patrons, aux enseignants
de jouer à fond la carte de l'ouverture dans tous les sens,
même aux étrangers - poussons l'audace - qui n'ont pas
de barbelé à la place de la boîte crânienne.
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