Année 2003 - Semaines 21 à 30

La 25e ligne

Camarade prof, camarade instit, l'une d'entre vous, ici, en Haute-Marne, y est allée franco «si je suis devenue enseignante, c'est pour les vacances et pour la retraite, alors…».
Alors on se doute bien de tout le mal que la camarade pense des projets du gouvernement. Puis on se dit : à 18 ans, choisir son métier en fonction de la retraite, chapeau ! Y'a des neurones qui font de la débandade précoce ! C'est le futur antérieur du subjectif, ça ! Et puis, camarade, on se dit qu'une vocation aussi intense, ça risque d'avoir de fâcheuses conséquences chez pas mal de jeunes que la camarade collègue était censée initier aux joyeusetés du futur simple ; à titre indicatif.
Fi de l'amalgame, camarade. D'une semelle énergique, ne piétine pas dès la 15e ligne de cet articulet, le JHM dans une dans une sotte rage réservée par d'amnésiques collègues parisiens à un livre de ministre. Si tu poursuis ta saine lecture jusqu'à la 25e ligne, tu liras cette fois le plus grand bien d'un autre camarade, que cette fois nous nommerons : Jean-Paul Ramillon. Pédagogue par vocation, cet enseignant qui fait l'honneur de son laïque sacerdoce, est invité ces jours-ci en Russie pour y former des formateurs. Ce n'est pas la première fois qu'un pays étranger adapte ou adopte la pédagogie de ce trop modeste enseignant haut-marnais. Qu'il s'agisse de judo ne change rien à l'affaire. Chapeau Monsieur le professeur.


Contre, tout contre


Avez-vous remarqué combien il est plus aisé de s'opposer que de proposer, de détruire que de bâtir ? Vous songez à la gauche qui, depuis qu'elle a perdu le pouvoir, n'a de cesse de pilonner le gouvernement sur les retraites. Mais lorsqu'elle était aux affaires, elle a fait quoi, sur le sujet, la gauche ?
Elle est contre par principe. Cela s'appelle être dans l'opposition, ou encore : vouloir exister.
A Langres, Didier Loiseau, qui est de droite, est dans l'opposition. Il est donc contre. En ce moment, c'est contre le Pôle Diderot. Il n'est qu'à lire sa "contribution" dans le bulletin municipal. Charles Guené, qui est dans la majorité au Conseil général, est pour. Farouchement pour. Tout contre, même. Vous allez dire, il est de droite aussi. Mais ça ne compte pas.
Alors, comme vous avez de la répartie, vous allez dire : ils sont tout de même du même camp, ils pourraient parler, entre eux. Celui qui a compris pourrait expliquer à celui qui n'était pas là…
Ah, naïfs que vous êtes. On voit que vous ne faites pas de politique.

 

Les "faut-qu'on" et le vrai…


On va faire un jeu. Dans l'esprit, c'est "ni oui ni non". Mais en plus localisé : C'est "ni y-a-qu'à ni faut-qu'on". Vous avez une semaine pour vous entraîner : les éliminatoires se dérouleront samedi prochain à Nogent*. On sélectionnera les meilleurs d'entre vous pour les phases finales. Il s'agira alors pour les heureux élus d'évoquer la Haute-Marne en employant uniquement des verbes à l'actif, au présent et au futur. Le moindre passé, simple ou composé, vaudra à son auteur une élimination directe.
Tous les sortis de la première phase (les Yakas) pourront être repêchés lors d'un stage intensif de montage de vrais projets. Intervenants : Jean-Loïc Carré et Jean-François Chanot. Deux styles différents, deux propos différents, deux philosophies différentes. Les mêmes tableaux de bord, mais disposés autrement. Et des neurones qui se connectent vite, très vite, aux problématiques de demain. Le premier monte le projet du bassin de Nogent, l'autre celui du Pays de Langres. L'un et l'autre associent formation, recherche et production. L'un et l'autre conjuguent fonds publics et initiative privée.
On gagnerait à remplacer moult discours officiels par les exposés powerpointés** de ces deux-là. Car leurs projets sont de vrais projets ; 1) parce qu'ils contrarient le ronflement paisible des résignés du bulbe. 2) parce qu'ils jouent déjà l'ouverture sur l'extérieur.
Même s'ils font tousser les frileux d'ici ; puissent-ils seulement continuer à convaincre les audacieux d'ailleurs.
Pas vrai ?


* : jour et lieu des Assises du développement. Pur hasard…
** : Illustrés par une présentation informatique réalisée avec PowerPoint. Un peu plus efficace que les transparents.

 

Top chrono


On nous dit que 400 personnes se sont inscrites aux Assises. On nous dit (le programme) que ces 401 personnes (un ministre doit arriver dans la matinée) vont se séparer en deux groupes pour discuter durant presque 200 minutes au lieu de passer à table. D'abord, on notera qu'ils auront les crocs. Ensuite, que 401 divisé par 2, cela donne environ 200 ; 200 divisé par presque autant, cela nous laisse un tour de trotteuse par personne pour tenir des propos sensés, constructifs, novateurs sur l'avenir de ce département. À moins que les choses ne soient un peu plus ficelées qu'il n'y paraît ici…
Parce qu'on n'ose imaginer que Bruno Sido ait reporté de 6 mois la séquence "Nogent" des assises uniquement pour que deux ministres aux emplois-du-temps tourmentés en ce moment, viennent faire joli sur la tribune. D'autant que le même Bruno Sido attend tout le gouvernement en septembre. Donc là, tout à l'heure, il va se dire des choses. Il faudra être présent à la bonne minute. Car s'il ne se passe rien, ce n'est pas que la Haute-Marne qui pourra se faire du souci pour son avenir…

 

Désiré Delevoye


L'univers est en expansion, depuis le coup de pétard d'avant le temps. La Haute-Marne aussi, mais c'est plus récent. Le Jour J de l'ouverture de la Haute-Marne (little bang 52) est arbitrairement fixé au 14 juin. À l'heure précise où le ministre à ce point désiré - on a tout de même différé de six mois les assises pour qu'il soit là – absent, donc, a envoyé son discours !
Il a fait dire des choses intéressantes. Certes, le propos, le ton, n'avaient rien à voir avec la verve jubilatoire de Jean-Claude Etienne. Mais bon, on pouvait suivre, encore. Par contre, ne demandez à personne de pondre 100 lignes sur l'intervention de Patrick Devedjian. Rien que 20 lignes, il y aurait maltraitance ; limite perversion. Dans l'esprit, cela ressemblait à un essai critique en 17 volumes in quarto sur l'influence de la culture du colza transgénique dans la haute vallée de la Blaise sur la vitesse du TGV en gare de Chalindrey par temps de brouillard. Professeur Etienne, revenez !
Bruno Sido avait vu large : boissons, stylos, CRS : tout était parfaitement aligné et en surabondance. Tout. Le Cédra irradiait de gentillesse. Les syndicats attendaient sagement l'entrevue avec le ministre. Le missile à tête frondeuse avait revêtu les atours trompeurs de la blonde et svelte silhouette d'Elisabeth Robert-Dehault. On choisit ses amis, pas sa famille politique.

Zéro (fait) défaut


Les factures de certains abonnés haut-marnais de France-Télécom ont pris de l'embonpoint. Oh, pas des milles et des cents ; juste un léger bourrelet façon poignées d'amour naissantes, qu'on ne repère que si on regarde là où il faut. Sur une facture détaillée par exemple.
Les faits d'abord : en voulant appeler un correspondant chaumontais dont le numéro commence par 03 25 03, l'abonné arrive sur le serveur (payant et surtaxé ! ) de météo France dont le numéro est 32 50. Autrement dit, inspiré par le vide absolu qu'il symbolise, le premier zéro s'est fait la malle. Disparu ! Volatilisé !
Au début, France Télécom a répondu aux mécontents que cela n'arrivait qu'à des personnes âgées qui manquaient une touche. Raté : des jeunes aussi en ont fait les frais. France Télécom a aussi expliqué que l'appareil téléphonique du sur-facturé était ancien (et donc fatigué, comme les personnes âgées). Manque de chance, c'est arrivé aussi sur des combinés neufs.
Plus étrange encore, certaines factures détaillées listent très clairement ces appels à Météo France (avec date et heure) pour des abonnés qui non seulement n'ont jamais volontairement composé le 32 50, mais en plus n'ont jamais entendu, même par erreur, le serveur de Météo France leur répondre.
Quid du 32 50 fantôme ? France Télécom assure : c'est forcément une erreur – qui se répète un peu beaucoup en Haute-Marne, de l'abonné. Mais une voix anonyme de chez France Télécom a fini par dire : «on est en procès avec l'entreprise qui soustraite la facturation». Mais bien sûr, au pays des vieux qui tremblent et des téléphones d'avant-guerre, ça n'a aucun rapport. Aucun.

Allais les jeunes !


« Partir, c'est mourir un peu. Mais mourir, c'est partir beaucoup» constatait ma foi fort pertinemment Alphonse Allais, lequel décrocha son bac à 17 ans. Ne cherchez pas "Alphonse" dans notre cahier spécial résultats. C'était avant. Jadis même. Dans le temps. Du temps où Haute-Marne était peuplée. Si, si, ça a existé !
Revenons au bac, à tous ces jeunes impénitents aux noms couchés aujourd'hui dans nos colonnes. D'abord, toutes nos félicitations.
Mignonne bachelière, fringant bachelier : n'écoute surtout pas (on se dit "tu" n'est-ce pas) les vieux de tout âge qui radotent l'antienne locale : «il faut faire rester nos jeunes pour sauver la Haute-Marne».
Surtout pas ! Va voir ailleurs. A ton âge, c'est mieux ailleurs. Là-bas, ailleurs, en te frottant aux autres, dans les bonnes écoles qu'on aura jamais ici, tu deviendras meilleur. En goûtant d'autres saveurs, en t'initiant à d'autres valeurs, en acquérant d'autre savoirs, en te noyant dans d'autres regards, en écoutant d'autres langues, en rêvant sous d'autres étoiles, tu vas t'enrichir.
Pétillante ex-lycéenne, ambitieux ex-lycéen tes cousins d'ailleurs ont des choses à t'apprendre, et réciproquement. Plus riche de l'apport des autres, plus ouvert, plus intelligent, plus instruit, seulement alors, reviens. Meilleur, tu auras compris que si tu ne pars pas, ce département va mourir encore plus vite.

 

Le eau débit


Au début était le bas débit. Bas débit des idées, des projets. Belle endormie, la Haute-Marne ronflait doucement, tout doucement, grisée par les bulles de Rizaucourt et le gouleyant Montsaugeonnais. Les indécrottables notables du «silence on coule» buvaient du petit lait. De fait, on coulait. Chut !
À la fin du siècle dernier, quelques neurones insomniaques s'en offusquèrent. Ce n'est pas parce que la Nature est généreuse ici que l'intelligente doit se faire rare et le futur disparaître des tables de conjugaison. Malgré le pchiiiit de Diderot Sciences, les persévérants de tout poil renouvelèrent l'audace, cette fois en coulant des fondations là où d'autres s'étaient contentés de creuser un trou. L'enseignement supérieur, la recherche et les nouvelles technologies aiment la verdure. Cela tombe plutôt bien. D'ailleurs, si c'est si vert que cela, c'est aussi parce qu'il y a de l'eau, entre Champagne et Bourgogne. Écoutons les experts (1) : après-demain, la richesse n'ira pas à celui qui fabriquera des voitures ou des télés, mais à ceux qui maîtriseront la gestion des savoirs, les flux d'information (l'économie de la connaissance) et ceux qui possèderont l'eau (source de vie). Partout dans le monde. Partout. Même ici. Entre les berges du Der et celles des quatre lacs, aux sources de la Meuse et de la Marne, le long du canal et à Bourbonne…
Pour s'y préparer, on est encore dans les temps.

1 : Le Monde Économie du 8 juillet, page III.

Tout est possible

L'aurez-vous noté ? C'est l'été de tous les possibles. Alors que le baron Seillères s'entiche de défendre «le fric des travailleurs», que le tour de France reste plus d'un quart d'heure en Haute-Marne, voilà que Jean-Claude Daniel, citadin de gauche et Bruno Sido, rural de droite (double pléonasme trompeur) se perdent en civilités courtoisies. Le maire de Chaumont vient de rendre un fieffé service au président du Conseil général. Il lui propose même de l'accompagner dans ses démarches.
Sans rapport aucun avec ce qui précède, et dans le cadre de la série "Les grandes fictions de l'été", imaginons un trajet vers Bruxelles.
Dans le dos du chauffeur qui démarre, deux hommes devisent joyeusement.
« - Mon cher J-C, merci. Si le rezonage réussit, ce sera un peu grâce à toi. Je le ferai savoir.
- Allons, Nono, tout le mérite te revient. Ce sont tes projets. Mais que de soucis, n'est-ce pas ?
- Si je n'avais que cela ! Mais Babeth*, dans le nord, et quelques autres, dans le sud, y font rien qu'à m'embêter.
- Ben moi, pareil. C'est une question d'environnement qui va me plomber avec le marché découvert. Pourtant, les écolos, c'est pas faute de les avoir encouragé. Et t'as vu Cricri**, qu'est-ce qu'elle me met. Elle était moins teigne quand elle travaillait pour toi au C.G.

- ...
Un profond soupir, puis un long silence (approbateur, ça n'est pas certain) répond à l'assertion.
- Elles nous refont le coup des assises départ...
- Attention !

Crissement de pneus. Le véhicule fait une embardée, mord l'accotement, échoue dans le fossé. TS lâche le volant et jette un œil dans le rétro. « Pas de casse, derrière ?». Il ouvre sa portière, sort, constate les dégâts : «on n'ira pas plus loin. C'est pas grave, hein ?».
Mais c'est de la fiction, hein. On est d'accord ? C'est pour de faux. À moins de lire régulièrement le JHM, on n'imagine pas un mystérieux TS souhaitant que capotent les projets de Nono. Ça n'est pas possible.

* Toute ressemblance avec Elisabeth Robert-Dehault serait purement fortuite.
** Idem avec Christine Guillemy.

 

Tant (de) pis !

On est frappé par la méconnaissance des Bragards pour le sud de la Haute-Marne ; en Bragardie, le sud commence à Joinville. Une méconnaissance qui n'a d'égale que sa réciproque : celle des Chaumontais et Langrois pour les braves gars d'en haut. Et "en haut", ça débute à Froncles.
On peut porter de jolies œillères. En été, cela peut même passer pour seyant. On ne voit rien. On ne dit rien. D'ailleurs il ne se passe rien et tout va bien.
Certains, bien inspirés, se sont résolument tournés vers Vitry, Bar-le-Duc, la Champagne et la Lorraine. On songe là à cette CCI qui fut si longtemps "de Saint-Dizier ET de Haute-Marne", comme si Saint-Dizier n'était pas en Haute-Marne ! Sauf que déjà là, dans ce ET là, l'économie et les hommes avaient mis un évident bon sens dont le découpage administratif n'est plus le reflet le plus pertinent.
C'est là qu'intervient le laitier. Soixante-quinze kilomètres sous le Triangle. Le camion semi remorque double-cuve, gorgé du bon et crémeux lait des pis du Bassigny. Tous les matins, repu, il rentre à Langres par la RN 67. Tous les matins, il berce son lactose à 70 à l'heure, en descente, avec vent dans le dos. En montée, c'est nettement moins. La vitesse du camion, parfaitement raisonnable, n'est pas en cause ici ; c'est l'impossibilité de doubler sur une route indigne de relier deux capitales de Pays comme Chaumont et Langres. Comme si Chaumontais et Langrois n'éprouvaient nul besoin de se voir vite et souvent, d'aller l'un chez l'autre, de travailler ensemble.
La deux fois quatre voies, c'est là qu'il faut la faire. Avec Vatry et le TGV, les bragards n'auront bientôt plus que faire de Chaumont. Internet remplacera la préfecture. Mais Chaumont (avec Nogent) et Langres (avec Chalindrey) nourrissent des ambitions, esquissent des projets qui n'ont de chance d'aboutir qu'ensemble, en cohésion. On devrait dire "tant mieux". Mais avec cette desserte là, et le coup du laitier, il faudra se contenter de "tant pis".