On
progresse, mon cochon
La
population est trop nombreuse en Haute-Marne. Passée
la phase d'étonnement qui vous fait d'abord écarquiller
des yeux incrédules, froncer des sourcils dubitatifs, relire
la première phase en quête d'un hypothétique
indice de dérèglement intellectuel de l'auteur, force
est de passer la suite. Tant pis pour vous : on aura le droit
d'en abattre (des haut-marnais) près de 14 000 jusqu'à la
fin de l'hiver prochain. Non, le plumitif laborieux astreint à chronique
hebdomadaire ne souffre pas d'une insolation estivale, d'une inhalation
de plomb au marché de Chaumont, d'une irradiation au radon
pour s'être douché à Bourbonne. Nenni ! Le plumitif
a raison : la population de sangliers dépasse les bornes,
en Haute-Marne. Et puis, ne vous en déplaise, tous les Haut-Marnais
ne sont pas des cochons. Même si certains noms circulent…
Donc, les cochons progressent en nombre. Passons. Le débat chasseurs-agriculteurs
bat son plein. Mais qu'en pensent les agriculteurs qui chassent ? Entendons
nous bien : à balles réelles. Pas au plomb. Le plomb n'est plus
utilisé pour abattre quelqu'un que sous le marché découvert
de Chaumont. On y a tout de même appris en juillet que dans la peinture
au plomb, il y avait du plomb. Bien. On progresse. En août, ce sera : "méfiez
vous de la pluie, elle mouille". Pour la rentrée, vous aurez
droit à "prudence avec la vie, c'est la plus mortelle des maladies".
Le progrès fait rage ; même dans la bêtise. Mais à force
d'avoir peur de tout…
La
piste aux étoiles
La
13e Nuit des étoiles proposée ces jours-ci par le club
Cassiopée aux Haut-Marnais entre Condes et Treix a permis aux
curieux tout ébaubis d'en prendre plein les pupilles.
On a d'abord joué avec les distances. Pas la distance Chaumont-Langres
qui diminue avec le siècle naissant. (L'observateur finaud remarquera
en passant que Chaumont-Langres et Langres Chaumont, ce n'est pas tout à fait
la même chose, mais refermons là cette perfide parenthèse…).
Puis la distance Terre-Lune, avec des trous des deux côtés. Deux à Bure,
beaucoup plus sur la Lune. D'autres encore, tout noirs, et qui avalent tout,
bien plus loin.
Suit la distance Haute-Marne – Mars. Là, ça devient sérieux.
Puis la galaxie, les nébuleuses (le premier qui fait allusion à Animal
Explora…!) et enfin ce spectacle fabuleux de l'univers où jaillit
comme un clin d'œil du Très Haut, de temps en temps, une étoile
filante jubilatoire.
Cela nous remet les idées en place, ces milliards de milliards de milliards
de tout. À l'aune des 73 000 années qu'il a fallu à Mars
pour revenir aussi près de nous. À l'époque, il n'y avait
ni le Triangle, ni le viaduc et pas même, paraît-il, le Pôle
Diderot. Alors, tout de suite, les grandes théories : le Big Bang, la
relativité, et Dieu dans tout ça… Pour vous donner une
idée de l'élévation de l'âme qu'offraient ces précieux
songes d'une nuit d'été, personne n'a osé évoquer
la peinture du marché couvert de Chaumont. La nuit prochaine, essayez,
pour voir. Éteignez tout. Sortez. Couchez-vous dans l'herbe sèche.
Fermez les yeux puis rouvrez-les au bout d'une ou deux minutes. Regardez le
firmament. C'est tout simplement beau. Un beau qui nous rend notre dimension
: nous ne sommes que poussières. C'est vous dire l'importance du plumeau.
Le
robinet qui fuit
La
rentrée approche. Pour nous débarrasser à peu
de frais des remords culpabilisants d'un farniente improductif, ouvrons
enfin l'immaculé cahier de devoirs de vacances. Aujourd'hui,
algèbre. Problème. Enoncé.
Une écluse de type Freycinet sur un canal non identifié du nord-est
de la France mesure en moyenne 39,56 m de long sur 5,74 m de large. La hauteur
de chute s'établit à 3,27 m. Ce canal nécessite une centaine
d'écluses pour traverser un département pris au hasard.
Questions :
a) Combien de mètre-cube d'eau sont consommés à chaque
passage d'une seule écluse par une pénichette ?
b) Combien de touristes, simultanément en goguette et en pénichette,
bénéficient de ce moyen de déplacement par été de
canicule ?
c) De combien de millimètres baisse le niveau d'eau du réservoir
de la Mouche pour une traversée du département, par tranche de
20 touristes toujours en goguette et en shorts ?
Mieux vaut sans doute remettre la résolution de cet épineux problème
aux jours de pluie. En attendant la rentrée littéraire, patientez-donc
avec ce court roman qui passe aux yeux de beaucoup pour le livre de l'année
: La Petite Chartreuse*. Un nectar plein d'émotion retenue.
Beaucoup mieux retenue que l'eau du Pays des sources.
Y'a eu une fuite ?
*
: Perre Péju : La Petite Chartreuse. Gallimard. Coll Blanche.
On
a eu chaud
On
a eu chaud. Faut dire : on a de la chance. Vivre ici, c'est tout de
même autre chose que mourir ailleurs. Alors que les chiffres
des décès liés à la canicule tutoient les
10 000 morts au niveau national, un îlot de béatitude
climatisée a été repéré entre Saint-Dizier
et Vaux-sous-Aubigny. Là, Rien. Tout va très bien Madame
la Marquise.
La Ddass de Haute-Marne expliquait encore hier qu'il faut que le certificat
de décès mentionne une température supérieure à 40°6
au moment du décès. Sinon, ça ne compte pas. C'est sûr,
les familles n'avaient que cela à faire.
Interrogés par le JHM au plus chaud de la crise, nos pompes funèbres,
qui ne sont pas que de joyeux drilles, expliquaient par 40° à l'ombre
: «Sans doute une coïncidence.[…] Aucun décès
dû à la canicule. Etc.». On se sent mieux, subitement.
Comme si la page Avis de décès s'était détachée
de celle des Informations générales. Un p'tit vent frais ventile
nos bonnes consciences. Seul le frigo des jus de fruits est donc resté branché sur
le thermomètre. En Haute-Marne, la Grande Faucheuse affichait sa morgue
habituelle. R.A.S. : Rassurante Absence de Statistiques. À l'Ascension,
seul le mercure montait. Hein ? Pardon ? La mauvaise foi, aussi ? Comme vous
y allez !
Striptease
Alors
que l'Occident dubitatif interroge un avenir incertain à Cancun,
la carrière de Jack Peureux rebondit : il va siéger au
sein du Conseil national du développement durable ! Si, si.
Ils l'ont fait !
En Haute-Marne, ami visiteur de passage, là vie est ici, on le sait,
mais rien que la vie. Tandis que la France se demandait avec gravité pourquoi
donc 10 000 vieux sont morts en trop sous le soleil de Satan (mais pas ici,
on est bien d'accords, hein !) le débat nistzchéen consistait à savoir
pourquoi la stip-teaseuse tant attendue n'était pas venue à Brachay.
Heureux maire qui ne médiatise sa commune que pour un effeuillage manqué.
Désirée (c'est le petit nom de la fille en question) a appelé cela
une panne. Vous n'avez jamais connu de panne, messieurs, avec une strip-teaseuse
? Soyez francs…
Voilà donc pour les choses sérieuses. Pour ce qui est des balivernes
et de la gaudriole, prenez date : si dans dix ans les Pays de Langres et de
Chaumont n'en font pas qu'un, on aura l'air encore plus sots qu'avec l'impudique
donzelle. Cette fois, c'est l'avenir des deux-tiers sud du département
qui pourra aller se rhabiller.
Je
vous ai compris
Choses
entendues jeudi dans une classe de CM2 en Haute-Marne, alors que l'on évoquait
Colombey-les-deux-Églises : «Charles-de-Gaulle ? C'était
le chef des Gaulois. Non, M'sieur ; c'était un Allemand qui
a trahi son pays en 14-18».
A priori, on peut dire que les jeunes générations d'ici
se soucient autant du Grand Charles que de l'influence de la mousson
en Birmanie orientale
sur le niveau d'eau dans les trous de Bure en Haute-Marne orientale.
Or, le Conseil général qui l'an prochain accueillera ces potaches
dans ses collèges nourrit un gros projet, à Colombey, sur Charles-de-Gaulle.
Si les touristes de demain voient en lui un Abraracourcix teuton, traître
de surcroît, ils risquent fort de ne pas faire du futur site un but de
week-end par temps de pluie et de grève de la télé.
Par ailleurs, les Gaullistes historiques se font rares ; les modernes eux,
ont plus à la bouche Sarkozy et l'UMP que le Québec libre. Demandons-nous
sans trop tarder si, ma foi, ce projet est vraiment tourné vers l'avenir.
Qu'en pense le Général, s'il nous observe comme le Commandeur
en sa statue ?
A propos d'observation d'outre-tombe, précipitez-vous sur La Nostalgie
de l'Ange, de Alice Sebold chez NiL Éditions.
Page 39
La
page 39 du JHM d'hier est à conserver soigneusement.
Deux articles, l'un au-dessus de l'autre, résument emblématiquement
l'état
des lieux d'un monde en errance. Une page 39 qui envoie le message du
pays des
droits de l'Homme, volontiers donneur de leçons, au reste du
monde : pour mourir tranquille, mieux vaut être vieux, pauvre
et seul l'été, que jeune, tétraplégique,
aveugle et muet dans l'hiver définitif de sa vallée de
larmes. Le rapport est de 1 à 14 802. Mais tout va bien. Ne
changez rien.
La journée des soins palliatifs, aujourd'hui au Palace, à Saint-Dizier,
prend toute sa valeur.
Dans ces conditions de navrement, l'humour est un palliatif improbable.
On notera la volonté clairement affichée du gouvernement
de cesser de creuser le trou, mais la Sécurité sociale
n'a rien à voir avec Bure. La sécurité tout court
peut-être non plus.