Dans
Pisseloup, il y a…
Ah,
la force des symboles ! Au moment-même où la renommée
de Pisseloup, dopée aux amphétamines de l'absurde, déborde
les limites floues de son canton du bout du bas, la CCI rencontre moult
interlocuteurs à Casablanca. La simultanéité des
deux démarches est révélatrice.
D'un côté, une entreprise se propose d'investir au vert, en Haute-Marne,
de créer de nouveaux emplois (des gens qui tapent sur des claviers,
vous imaginez la pollution !). S'y oppose un néo-habitant déterminé à rendre
le désert haut-marnais encore plus désert.
De l'autre, des Marocains en quête de croissance, qui font des pieds
et des mains pour délocaliser (chez eux) nos entreprises malmenées
par les 35 heures. Ils offrent sur un plateau des terrains viabilisés
près d'un aéroport, d'une autoroute et d'une voie de chemin de
fer, et une population qui en veut. Ah, j'oubliais, mais vous vous en doutiez
: à Casablanca, ils ont l'ADSL. Et à Pisseloup ?
Si ce département n'est pas capable de régler au mieux, et vite,
ce dossier, on saura gré à nos élus de ne plus tenir de
fumeux discours sur "la vie est ici" et ses déclinaisons économico-industrielles.
Bien malgré lui, ce village est devenu emblématique. Dans Pisseloup,
il y a…le défi de l'avenir.
Calembour-les-deux-Églises
Pour
le Festival, ça l'affiche mal ! Facile, non ! Mais inévitable… Car
malgré toutes les allégations des uns et des autres,
l'association du Festival connaît des problèmes de liquidités.
Ces choses-là arrivent à tout le monde. Mais alors, on
ne se vante pas du contraire.
Voilà l'affaire : l'association du Festival a des factures à honorer,
depuis mai notamment. Le délai s'avère un tantinet longuet, mais
bon. Voilà quelques jours, elle finit par envoyer un chèque à son
fournisseur ; envoi suivi très peu de temps après d'une missive
qui prie le destinataire du chèque tant attendu de ne surtout pas le
déposer tout de suite sur son compte.
À la mi-octobre, le fournisseur du l'association du Festival, qui n'est
pas exactement un infâme suppôt du capitalisme sauvage, qui a des
employés à payer, attend toujours ce qui lui est dû.
Sans rapport direct avec ce qui précède, Le comité du
tourisme vient d'auditer un sondage instructif. Figurez-vous que les touristes
classent Colombey au 6e rang des sites haut-marnais. Loin derrière Langres
et le lac du Der. Derrière… Reims aussi. Damned ! Quelle notoriété pour
la cité tombale. Ça aussi, ça l'Affiche mal. Faut-il vraiment
y investir des millions d'euros pour des touristes de plus en plus virtuels
qui se soucient autant de notre Général que nous de l'influence
de la BA 113 sur la vitesse de pousse des maïs dans le canton d'Auberive
?
Musique
de chambre
Elles
sont unanimes, messieurs : la chambre, c'est toute une technique. Stoppons
là tout net, égrillards godelureaux ! la chambre est
ici employée comme substantif de "chambrer" ; se moquer
pour déstabiliser, déconcentrer l'adversaire.
La chambre ne doit jamais tomber dans l'insulte ou le mauvais goût. Au
Conseil géné… Non, l'exemple n'est pas judicieux. Car là,
tout le monde n'y est pas toujours sportif.
Prenez le volley, plutôt. Le CVB 52, club départemental s'il en
est, se prend claque sur claque depuis le début de la saison. A la limite,
peu importe, ils s'en sortiront. Si, si. On prend les paris ?
Ce qui nous intéresse ici est la poignée de supporters de la
tribune "d'en face". Avec leur vieux tonneau, leurs tympans en alliage
tungstène et leurs cordes vocales en acier trempé. Qu'il vente,
qu'il neige, que le CVB gagne (c'était quand déjà ?) ou
qu'il se fasse laminer, ils sont là, avec l'indécente énergie
de leur adolescence triomphante. Et ils chambrent. Toujours, ils sont bruyants.
Souvent, ils sont drôles ; même l'adversaire, cible d'amusants
quolibets, en sourit parfois. Mais leur principale caractéristique,
c'est d'y croire. Encore. Toujours. Ils ont la foi dans ce club comme quelques
autres en ce département. Certes mal classé. Mais le "championnat" est
encore long.
Vous verrez : ce soir, dans ce qui devrait être l'antre de Jean Masson,
ils seront encore présents. Pour accompagner une équipe qui n'a
pas une seule chance sur le papier. Pour chambrer celle d'en face.
Si seulement la "grande" tribune et son parterre d'élus fidèles
s'en inspiraient. Si seulement les trop sages et résignés de
la politique, de l'économie, du social et de la culture imitaient les
joyeux drilles de la tribune d'en face. Vous verriez, tout ébaubis,
l'équipe "Haute-Marne" incrédule
aligner les services gagnants comme jamais.
Ame
explora
Châteauvillain,
son parc, ses daims, ses projets, ses croche-pieds. Châteauvillain,
joli port de pêche, et son panier de crabes. Châteauvillain
et ses règlements qu'on veut croire approximatifs, rédigés
par une plume aussi lasse, distraite et maladroite que celle qui commet
ces quelques lignes hebdomadaires.
Voilà le problème. Le règlement intérieur des jeunes
sapeurs pompiers de Haute-Marne dit dans son article premier «ils peuvent être
français ou étrangers». Ouf ! Si un incendie embrase ma
modeste demeure, peu importe, il est vrai, que celui qui tiendra la lance et
prendra des risques pour le circonscrire soit français ou pas. Mais
dans l'enclave castelvillanoise, vous vous en doutez maintenant, il en va un
tantinet autrement. La dernière phrase de l'article initial devient
: «ils doivent avoir la nationalité française». Ah
bon ? Un autre détail amusera le lecteur. Le règlement départemental
dit, et c'est logique, que la coupe de cheveux doit être compatible avec
le port de l'uniforme. Le rédacteur castelvillanois, cette fois, a ajouté entre
deux parenthèses inspirées «court pour les garçons».
Ach ! sehr Gut.
En analyse de contenu, les petits détails de l'histoire réglementaire
locale font tache. L'âme humaine recèle des arcanes encore redoutables.
En rapport direct avec ce qui précède, Charles Guené,
sénateur de son état, expliquait jeudi soir devant un parterre
de décideurs réunis à Arc-en-Barrois :
1) Que la France allait devoir "importer" 100 000 étrangers
par an si elle voulait compenser les lacunes de sa pyramide des âges.
2) Que lui-même, parlementaire à la Haute Chambre, était
aussi petit-fils d'immigré italien.
A propos d'âme, toujours, mais sans rapport cette fois avec ce qui précède,
précipitez-vous sur Les Ames grises, de Philippe Claudel, chez
Stock. Un des meilleurs romans de l'année qui se termine.
Bonnes
feuilles
Colombey-les-deux-Églises
n'a qu'une chapelle : le Gaullisme, que l'on écrit en Général
un grand G. L'anniversaire de la mort de Charles de Gaulle, les gerbes
qui fleurissent sur sa tombe, recouvertes par les feuilles qui tombent,
nous mettent en condition pour le clairon du 11 novembre. Revoilà l'absurde
boucherie, le mélange de chair et de boue qui lançait
le Voyage au bout de la nuit et inaugurait les temps dits
modernes.
On ne va pas redire ici platement ce que d'autres ont écrit avec tellement
de talent ailleurs. La Grande Guerre s'est déroulée si près
d'ici qu'on devrait rendre obligatoire la visite à l'ossuaire de Douaumont
pour tous les lycées de Haute-Marne. Justement pour préparer
l'avenir et penser l'Europe, ça vaut bien American Pie.
Mais bon, ne nous leurrons pas, cela ne se fera pas. Et les adolescents préféreront
faire la queue devant la tarte à la crème américaine.
Signalons alors en réaction à tous les profs de toutes les matières
l'existence d'un formidable et court roman : Les Ames grises. L'auteur,
un régional lui aussi, vient d'être récompensé par
le Prix Renaudot. Son récit se déroule tout près de chez
nous, en 14-18. Ce n'est pas un livre de guerre, c'est un livre sur nous. Ni
blanc, ni noir. Un superbe livre qui pourrait réconcilier avec la lecture
ceux de toutes les générations qui sont fâchés avec
l'imprimé, c'est-à-dire le souvenir, le savoir, et plus loin
encore la liberté. Vous avez même le droit de l'offrir.
Philippe Claudel : Les âmes Grises ; Stock. 284 pages.
Géométrie
truffée de variables
Un
trou, c'est du vide avec quelque chose autour. Un territoire, c'est
de la surface avec des projets. Le Triangle est un territoire. Bure
est un trou avec du sous-sol autour, en 3D. Mais pas n'importe quel
sous-sol. Le nôtre, d'abord ; un sous-sol qui, bien avant de
servir pudiquement de laboratoire, a appris tout seul à produire
et stocker un produit à courte durée de vie : la truffe.
Si madame : ce petit truc noir et difforme très éloigné du
champignon atomique, dans l'esprit, mais champignon tout de même, surtout à vue
de nez. Tout cela pour vous dire que de plus en plus de touristes viennent
en Haute-Marne pour notre sous-sol. En gros, ce sont les mêmes que ceux
qui viennent pour la Nature, quelle soit giboyeuse ou grue ailée ; les
mêmes que ceux qui iront à Montier aujourd'hui et demain, amoureux
d'une nature couchée sur papier baryté, sublimée par le
talent des hommes. Cette nature qui vaudra si chère demain et plus tard.
Cette nature qu'entendent aussi protéger, réparer, les altermondialistes
réunis à Paris. Ceux-ci posent les bonnes questions. On le devine
confusément. Jacques Chirac et Alain Juppé ont bien compris qu'il
n'y a pas que de vils casseurs dans leurs rangs. Tenez, il y a même des
Haut-Marnais. Et savez-vous quelle a été la contribution de ceux-ci à la
cause ? des kilos d'omelette… aux truffes d'ici.
N'en
déplaise
N'en
déplaise à quelques grincheux atrophiés du bulbe,
Bruno Sido était bien mieux, mardi, en stage d'immersion dans
le monde de l'entreprise – surtout celui des TIC – qu'à inaugurer
des chrysanthèmes sur le stand haut-marnais du Midest.
N'en déplaise à quelques gosiers exigeants, les Haut-Marnais
qui vont au Midest y sont pour serrer les mains de nouveaux clients, pas celles
d'élus qu'ils connaissent depuis belle lurette. D'ailleurs, la bière
de la Choue, excellente au demeurant et judicieusement placée par Haute-Marne
promotion, était là pour rendre plus conviviales les négociations
avec les premiers.
N'en déplaise aux estomacs impatients, le jeune technico-commercial
de chez Martin Prost a raison de ne prendre ses plateaux-repas que dans son
stand : les concurrents ayant désertés, c'est à cette
heure-là que les futurs clients qui s'ignorent se renseignent là où il
rencontrent quelqu'un.
N'en déplaise à la présidence du Sénat et à son
communiqué du 14 novembre 2003, Bruno Sido, même et surtout en
immersion, est sénateur de la Haute-Marne (H-A-U-T-E) et non pas de
la Marne. Y'en a marne de na pas exister ! L'auteur du communiqué aurait
gagné à faire un stage d'immersion au Midest.
Courrier
des lecteurs
Un
lecteur à qui va notre plus profond respect nous interpelle
en ces termes : «nous ne sommes intéressés
que par les avis de décès […] Tout le reste, on
s'en moque». Il nous prie donc de supprimer "tout le
reste", afin que ce journal «compte moins de page, et
qu'il coûte moins cher».
On entend bien sa motivation ; s'il n'y a point de petites économies,
il y en a de plus mesquines que d'autres. Le journal en ferait de grosses,
d'économies : en cyan, en magenta et en jaune ; car on n'imagine tout
de même pas de la couleur pour des avis de décès ! La publicité serait
réduite à des placards qui vanteraient la diligence des croque-morts.
Le titre ? Voyons… La Haute-Marne libérée ? Déjà pris. Le
sous-sol occupé ? Non ; on songerait à Bure. La mort
est ici ? Pas mal. Avec clin d'œil entendu (et pourtant, cela fait
très, très peu de bruit, un clin, lorsque ça a lieu).
Ce courrier – tout à fait authentique – soulève une
question et appelle une réponse. La première : comment ce département
a-t-il pu sombrer si bas que certains de ses vivants n'aient pour seule préoccupation
que la mort de leurs voisins ?
La réponse : Il nous reste jusqu'à ce soir pour donner au Téléthon,
ce gigantesque combat pour la vie. Un pied de nez à la mort où,
somme(s) toute(s), la Haute-Marne a toujours fait bonne figure. Qu'on se le
dise ! Et ailleurs que dans la page avis de décès.
3P
Rolampont
végétait. Entre deux deux cantons, deux arrondissements,
deux pays. A la limite, quoi. Au bout, en fait. Vint l'autoroute
; puis le Pôle Diderot ; puis le Pôle technologique de
Haute-Champagne (PTHC), avec des velléités d'ouverture,
et l'impérieux besoin d'accueillir des Personnes Puissantes
et Pressées (3P). Or, Rolampont, c'est aussi un banal bout
de terrain assez plat, assez long, avec une cuve de kérosène
dans un coin. Ailleurs, cela s'appelle un aérodrome. La Ville
de Langres, propriétaire du site, sait depuis le Symposium
que cela peut convaincre les 3P de venir. D'ailleurs, le Pôle
Diderot a convaincu tout le monde de faire venir à Rolampont
une nouvelle autoroute : celle de l'information à haut débit.
Ne ricanez pas, pour l'aérodrome. Le PTHC, qui s'installe à Nogent,
aura lui aussi besoin de faire venir des 3P par avion. Et qui s'occupe du PTHC
? Celui-là même qui a instruit le dossier Vatry. Pour faire venir
des avions, ses neurones son pré-programmés. Et comme il est
joueur, mais aussi compétent et convaincant, il se fait fort d'obtenir
un arrêt du TGV en gare de Chalindrey. Vous souriez encore ? On en reparlera.
Revenons à Rolampont, dans son entre-deux. Imaginez, (pure hypothèse
d'école, hein ; n'allez pas dire à Jean-Claude Daniel que vous
l'avez lu dans le journal) imaginez, donc, qu'un jour, le TGV s'arrête
en Haute-Champagne, que des entreprises s'y développent parce qu'elle
se connecteront au très haut débit et que, ma foi, le Pays de
Chaumont s'associe au Pays de Langres pour faire sérieux. Il sera où,
le centre de ce nouveau territoire, avec ses autoroutes et son aérodrome
? Il sera où ?
Orphelins
devant l'école
La
fiabilité, c'est important. Pour les centres de stockage de
déchets nucléaires par exemple, ou encore pour les locomotives
du microcosme politique-social haut-marnais. Sur ce point précis,
soyez rassurés, nos leaders d'opinions, labellisés 52,
sont aussi fiables que le Père Noël à l'approche
du 25 décembre.
Exemple : le grand débat sur l'école. À Chaumont, chacun
a tenu scrupuleusement son rôle. À la perfection. Jean-Claude
Daniel a été professoral. Sylvestre Subissi (FSU) a défendu
des enseignants que personne n'avait encore songé a attaquer. Thierry
Simon a fait du Thierry Simon, rompu dans l'art de la provoc gratuite, puis
excellent dans le rôle de la vierge effarouché qui fait mine de
quitter la chambre.
Quel dommage que tous ces gens savants et fiables aient tant de lourdes responsabilités
qu'ils n'aient trouvé le temps d'assister à la seconde partie
du débat.
Avec d'autres gens peut-être moins savants, moins aguerris à la
prise de parole. Mais tellement plus…, comment dire ? Tellement plus
proche de la réalité, du concret.
Daniel Manchin (chef d'entreprise) et Martial Colson (proviseur) eux aussi
ont fait preuve de fiabilité. Mais eux, on leur en sait gré.
Lorsque ces gens-là parlent, ça ne clignote pas comme une guirlande
; ça éclaire, tout simplement.
Quant au coiffeur qui décoiffe – parfois facilement, convenons-en – il
n'a jamais été aussi bon, et presque émouvant que lorsqu'il
a mis le doigt sur «les enfants qui viennent au CFA sans leurs parents».
Parce qu'une grande partie du problème de l'école, il est bien
plus là que dans la qualité des enseignants. Ce n'est pas le
président de la Chambre de métiers qui l'a dit, c'est l'homme.
Manque
de Pau
Alors
que les Haut-Marnais des zones rurales (Marnay, Poulangy, Luzy etc.)
en sont réduits à s'organiser, à se compter, à motiver
le voisin, à faire très officiellement le travail commercial
d'un France Telecom dépassé par les événements,
d'autres, ailleurs, ont plus de chance. Manque de pot, il faut descendre
dans les Pyrénées.
A Pau, les habitants ont le choix entre le haut et le très haut débit
(1).
Les pouvoirs publics offrent une connexion dix à vingt fois plus rapide
que le meilleur ADSL made in Haute-Marne pour 30 euros par mois seulement.
La communauté de communes attend de cette opération plus de 3000
créations d'emplois directes. Nous, on attend autre chose. On attend
tout court.
On a envie de dire aux élus : foncez ! On a envie de les attacher sur
leur fauteuil d'édile avec leur écharpe et de leur passer en
boucle les powerpoints (2) du Pôle Diderot. On a envie de tant de choses,
pour la Haute-Marne. Cela tombe bien, c'est le temps des vœux. Justement,
profitons-en. Souhaitons à ce département des élus, des
patrons, des enseignants, des présidents, des syndicalistes clairvoyants,
imaginatifs, audacieux. On en connaît ; si, si. Souhaitons à ceux-ci
d'être entendus par les autres, même si, manque de pot, ces derniers
sont plus nombreux.
1 : http://eco.agglo-pau.fr/Initiatives/PBC/pbc.htm
2 : présentation d'un projet par projection sur écran, depuis
un ordinateur.