15
sept
TVB
Les
faits sont têtus et les chiffres bavards. On peut tout leur
faire dire. Las, leur objectivité n'est que de façade.
Prenez les statistiques sur la délinquance que les services de
l'Etat publient chaque mois en Haute-Marne. Les commentaires sont à manier
avec des pincettes.
Lorsque les statistiques baissent, on peut se réjouir : la délinquance
diminue dans ce paisible département rural où même
la canicule n'avait officiellement affecté personne l'an dernier.
Lorsque les statistiques augmentent, on s'en réjouit aussi : cela
traduit officiellement une hausse de l'action des forces de l'ordre.
Gendarmes et policiers sont alors plus efficaces, résolvent plus
d'affaires, ce qui ne peut que rassurer le bon peuple. On nous dit alors
que «l'activité d'initiative est plus importante».
C'est bon pour nous.
C'est tout bon, tout le temps. TVB : Tout Va Bien. Mais un jour, à force,
on entendra par là : Tiens, Voilà du Boudin...
22
sept
Gertrude et l’eau tiède
Connaissez-vous
le syndrome de la grenouille ? Si vous précipitez
le batracien dans une marmitte d'eau chaude, Gertrude - appelons-la
Gertrude - jaillit aussitôt hors du récipient.
Mais laissez Gertrude faire trempette dans de l'eau fraîche, faites
chauffer à feu doux... et la grenouillle se laissera cuire jusqu'au
terme - définitif pour elle- de l'expérience.
Gertrude, c'est nous, vous, moi : les Haut-Marnais.
Si on nous annonçait, du jour au lendemain : «on ferme x
collèges», imaginez l'ire collective.
Mais l'affaire est introduite en douceur, dans le temps. Voilà plusieurs
années que l'on nous prépare à l'inéluctable.
Quitte à nous enrober l'indicible dans un “plan collèges” qui
sent bon la peinture fraîche.
On vous le dit, on vous le répète : en toute logique, il
faudra fermer au minimum un collège.
Gertrude dirait : «tiens, l'eau est devenue tiédasse».
29
sept
Ca va Burer encore longtemps ?
Bruno
Sido est homme fort occupé. C'est bon pour nous, ça.
Par exemple, il était à l'inauguration d'un sentier
de randonnée, ce qui réjouira les marcheurs et
autres contempteurs de Jeanne-d'Arc.
Tellement occupé qu'il n'a pas trouvé le temps d'accompagner
le Président de Région à Chalindrey. Jean-Paul Bachy
y a tout de même évoqué avec les élus des
questions au moins aussi importantes que l'itinéraire de la
Pucelle. Mais non, il ne pouvait vraiment pas.
C'est comme l'Andra. Elle a pris plus d'un an de retard à Bure
; elle explique pendant des mois que le chantier ne saurait s'arrêter
quelques heures pour envoyer des experts au fond voir ce qu'on y trouve
(eau ? radon ?) ; finalement, elle va laisser le CLIS prendre l'ascensceur.
La seule question qui vaille, c'est : avec ou sans Mourot ? Sans, on
touche le fond. Avec, pourvu qu'ils y aillent aussi ! Pour la forme.
Car dans le fond, on sait bien où ils vont les mettre, les déchets.
6 octobre
TICC
Force
est de reconnaître que les maires de Saint-Blin et Prauthoy
ont réalisé d'immenses progrès dans
la compréhension
des technologies de l'information, de la communication et
de la connaissance. Il faut bien en convenir : c'est une
chance pour la Haute-Marne que nos
deux sénateurs se soient emparés comme ils
l'ont fait du haut débit et d'autres joyeusetés
qui font passer certains de leurs collègues de la
Haute Chambre pour des minitels de première
génération.
Par conviction ou par ambition, nos deux cyber-sénateurs ont entrepris
de nous connecter avec notre époque. On leur en sait gré.
Voilà à quoi l'on vérifie qu'ils sont en passe de
réussir leur révolution culturelle sur nous-autres, laborieux
titilleurs de souris rompus à l'exercice du copier-coller : désormais,
que ce soit à la Banque de France, devant l'association des maires,
au Conseil général ou ailleurs, on a remisé les
transparents. Il n'y a plus que l'Eglise et les profs - par manque de
moyens, on est d'accord - pour brancher encore le rétroprojecteur
de papa.
13
octobre
Nano
Le
bonheur égoïste du journaliste de terrain, celui qui
voit les faits, entend les phrases, interroge les acteurs, est d'être
avant d'autres témoin de l'essentiel. L'E-SSEN-TIEL ! On est
là à mille années lumières des discours
pré-mâchés de l'élu ou du militant professionnel.
Pour tout vous dire, l'essentiel dévoile même rarement
sa substantifique moelle en conférence de presse.
Cette semaine, l'essentiel, celui qui va tous nous concerner, nous ou nos enfants – surtout
les vôtres – c'est la passionnante conférence donnée à Chaumont
par deux savants (au passage haut-marnais) sur l'infiniment petit et l'infiniment
grand.
Le premier, spécialiste des nano-sciences, a annoncé, solides
arguments à l'appui, que les technologies à l'étude dans
les labos américains permettront un jour de traiter, de nettoyer proprement
les déchets nucléaires en les attaquant à l'échelle
de la molécule.
Rien que ça ! Bien sûr, il faudra du temps. Mais on y arrivera.
Mine de rien, cela réconcilierait le Cedra avec l'Andra. Impensable
! On stockerait sous terre, à l'abri de la folie terroriste, les colis
empoisonnés avant que la “gelée grise” ne soit en
mesure de leur faire leur affaire. Bien sûr, c'est plus compliqué que ça.
Mais en gros, c'est ça.
Le second a évoqué les amas globulaires (Mais non, pas Haute-Marne
Développement), les trous noirs (trop facile, celle-là) etc.
Figurez-vous que dans l'univers visible, on compte déjà 2 000
milliards de milliards d'étoiles. Dans le tas, il y en a forcément
quelques millions qui ont des planètes comme la nôtre. Statistiquement,
il y a forcément ailleurs, dans l'infiniment grand, un autre Office
Régional de la Culture avec les mêmes petites tractations inavouables
pour trouver un président transparent qui ne dérange personne.
C'est de la nano-politique. Le pire, que c'est peut-être pareil ailleurs
!
27 octobre
C'est
environ à peu près vrai
Connaissez-vous
les Pirahas ? Cette tribu amérindienne est un peu à l’Amérique
ce qu’est la Haute-Marne à l’Eurasie : une réserve
d’hominidés en voie de disparition. Eux sont encore moins
nombreux que nous. Si, si.
On ne va pas chipoter sur les nombres exacts. Les Pirahas disposent d’un
lexique numérique particulier de type «environ un», «à peu
près deux» puis «beaucoup». Ça s’arrête
là. Cela ne veut surtout pas dire qu’ils soient plus sots que
le Haut-Marnais moyen du début du troisième millénaire.
Cela peut même rendre service, le long des rives du cours haut de la
Marne, l’arithmétique des bords de la rivière Maici. Par
exemple, un Piraha qui serait invité à une séance du Conseil
général de Haute-Marne pourrait dire, sans se tromper, et sans
vexer personne : «il y a beaucoup d’élus compétents,
ici».
17 novembre :
Téméraire
choucroute
Ami
conseiller général, tu sais combien on t'aime, chez “Autrement”.
On t'aime, et on te le prouve. Car on devine combien tes obligations
d'élu de terrain sont astreignantes. On n'ignore rien de ton
dévouement, à longueur de sonneries aux morts, de soirées
crèpes d'association du troisième âge, de loto
du club de bilboquet sur route, sans même évoquer l'inauguration
des nouvelles toilettes au fond de la salle polyvalente de Villiercourt
sur Mornont, où il te faut te fendre d'un discours bien senti.
Donc, ami conseiller général, on compatit. Mais là, contrairement
aux autres fois, on ne se gausse pas de tes menues contrariétés
quotidiennes. On t'aide.
Puisque Bruno Sido te demande d'aller à Brest affronter les embruns,
la pluie, le vent au pire moment de l'année pour un téméraire
jumelage avec un sous-marin on te glisse un tuyau : décommande pour
cause de soirée choucroute du Téléthon. Il y fera plus
chaud. Et tu sauras au moins où tu mets ton argent. Et le nôtre.
24
novembre
Lapsus
Plantons
le décor : à ma gauche, le cheveu au cordeau, la cravate
unie en érection, l'administration fiscale. À ma droite,
le citoyen, vous, moi, contribuable assujetti à l'impôt,
taillable et corvéa… STOP ! C'est fini. Dans la bouche
des premiers, nous sommes officiellement devenus depuis la semaine
dernière en Haute-Marne des USAGERS. Bercy beaucoup.
La nouvelle terminologie n'est pas encore entrée dans les mœurs. À la
question d'un usager : «qu'est-ce que ce courriel pour vous contacter
?», la séduisante administration, tout sourire, de répondre
naturellement : «c'est l'e-mail que peut utiliser le contribuable (si,
si, il l'a dit texto) pour nous interroger».
Contribuables, contribuons donc au réchauffement des relations entre
loups et agneaux.
1er décembre
Viagra
Amis
ploucs, levons-nous et respectons une minute de silence – j'insiste
: on peut lire en silence - à la mémoire des espoirs
cruellement mortifiés de nos députés, promus le
temps d'une raffarinade «parlementaires d'avenir».
Encore quarante-cinq secondes.
Ce désappointement soulève un problème récurrent
pour l'avenir : le bougre se conjugue rarement au présent. Illustration
: demain on rase gratis.
Encore trente-huit secondes.
Devinette de transition : qu'est-ce qui est rasoir, gratuit, et qui a eu lieu
avant-hier ? L'assemblée générale de la Chambre de métiers.
Enfin, pas QUE rasoir. Quelqu'un au bureau, a dit : «il y a deux
fois moins d'artisans informatisés qui utilisent Internet en Haute-Marne
qu'ailleurs en France».
Une voix, dans la salle, de lui rétorquer : «Y'a des métiers
qui n'ont pas besoin d'Internet». Pas de doute, amis ploucs : nous
sommes bien en Haute-Marne. Pour penser en 2004 qu'Internet, ça ne sert
qu'à acheter du Viagra en toute discrétion, il faut avoir raté un
train. Voire plusieurs. Internet est un prodigieux prolongement de nos sens.
Et artisan ou pas, des sens en éveil, c'est mieux. Bien sûr, Beethoven,
sourd, a écrit des chefs d'œuvre. Mais la surdité n'a jamais
permis de profiter d'une minute de silence. D'ailleurs, c'est terminé.
22 décembre
2005
Ainsi
débuta le dernier faux billet de l'année ; quelques lignes,
des tâches d'encre sur du papier (pas un gramme de bois, pas
un arbre abattu, ami lecteur écolo) pour tenter de donner du
sens au temps qui passe.
2004 : la Haute-Marne a fait son trou. Ne t'abuse pas, ami lecteur écolo,
il ne s'agit point de Bure. Notre département a pris place dans le cercle
restreint des départements innovants en matière de formation
initiale et de nouvelles technologies.
Au moment d'envisager l'an neuf, mieux vaut évoquer les projets porteurs
que les vieilles querelles toujours ressassées. Nos atouts valent bien
nos handicaps. On a assez trahi ici notre ressentiment quant à ces vieilles
barbes d'élus léthargiques, quant à ces jeunes qui partent
sans espoir de retour, ces maisons de retraites saturées. Saluons plutôt
les projets qui conjuguent le concret au futur proche.