Année 2005 - Semaines 01 à 10

5 janvier
Hypothèse

Risquons ici une hypothèse d'école : Imaginons – mais c'est pure théorie, hein, on est bien d'accords – imaginons, donc que deux événements heureux rassemblent samedi soir la foule en Haute-Marne. Par exemple un stade Charles Jacquin plein à craquer à Saint-Dizier pour un COSD – RC Lens qui s'annonce mémorable ; par exemple, encore, une salle Jean Masson chauffée à blanc pour la rencontre au sommet du championnat de volley. Imaginons que dans les deux cas, organisateurs et supporters s'associent pour consacrer une part de la recette – la plus belle de l'année ! – pour soulager ne serait-ce qu'un tout petit peu, on se saura jamais sur quelle rive de l'Océan Indien, le sort d'une poignée d'humains meurtris. Quelques vrais billets de supporters en liesse pour l'humanité en détresse. Rien que cela, et avant même le coup d'envoi, ce serait gagné. Mais c'était une hypothèse d'école, non ?

15 janvier
Promesses

Le plumitif astreint à chroniques - votre serviteur - n'est pas astreint, justement, qu'à chronique hebdomadaire. Pour mériter ses émoluments, ledit plumitif couvre avec la plus vive curiosité - qui sied tant à son métier - l'assemblée générale de l'association des alcooliques repentis du canton de Clefmont, ou encore les 32e de finale de la coupe de Haute-Marne de bilboquet sur route. On taira par pudeur le vernissage de l'exposition “napperons et crochet autour de Doulaincourt à la fin du XIXe siècle”. L'événement est resté gravé dans toutes les mémoires. Non ?
Mais apprendre de source sûre que «l'assemblée générale de la Capeb sera cette année un peu plus offensive que d’habitude» s'avère un accompte sur l'extase à nulle autre pareil dans l'exercice des fonctions plumitives. L’AG de la Capeb est par essence-même celle où la franchise l’emporte sur la politique. Celle où les chiffres avérés dominent les courbettes. On y dit ce qui est, pas ce qui plaît. Bref, depuis Robert Buguet, les AG de la Capeb ont toujours été passionnantes. Ce sont bien les seules. Cette perspective d’offensive, c’est-à-dire de parler-vrai, n’est-elle que vile promesse ? Nous sommes encore au temps des vœux...

26 janvier
Gens d’ici

C’est une joyeuse fratrie : Claude, 3 ans, Nicole 7 ans, Jacqueline, 10 ans et Eliane 13 ans. On devine presque les visages espiègles de l’enfance. Il ne faut pas se forcer beaucoup pour les entendre rire autour de la table de la cuisine, dans les volutes que laissent échapper les bols de chocolat chaud. Du bon lait d’ici, de Haute-Marne. Pour des enfants d’ici, de Haute-Marne. Insolents garnements ! Il faut bien trouver une explication, essayer de comprendre…
Figurez-vous que ces quatre-là ont commis l’insigne faute de naître juifs, à une époque où les voisins de certains de ceux qui lisent ceci, aujourd’hui, s’appelaient Levy. Ou Baer. Claude Baer, 3 ans, mort en déportation ; Nicole, 7 ans... Ils étaient d’ici, ils étaient enfants. Leur nom et leur âge sont gravés dans la pierre d’un monument d’ici.
La barbarie, ce n’est pas toujours les autres, ailleurs.
L'occupation allemande n'a pas été aussi inhumaine dit aujourd’hui M. Le Pen. On aimerait entendre sur ce point un couple de Haut-Marnais, parents de Claude, 3 ans, Nicole, 7 ans… Mais ils sont morts, déportés, eux aussi. Gens d’ici. N’oubliez jamais.

Mes chers collèges…

Rappelons-le, le Plan collège du Conseil général consiste à construire du neuf - ou rénover de l’ancien - afin que les collégiens haut-marnais soient mieux lotis dans le cadre de leur formation. L’idée est des plus louables. Tout autant que celle qui consiste ainsi à fournir du travail, à travers les chantiers en question, aux artisans du département. Ils en savent gré aux élus. Les profs ne sauraient se plaindre de travailler dans de meilleures conditions. Les parents d’élèves, on n’en parle même pas.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si…

Si on ne savait pas pertinemment que la Haute-Marne compte et comptera de moins en moins de collégiens, à moins de favoriser à grande échelle une politique d’immigration intelligente qui fâcherait ceux qui auraient le courage de la décider avec les électeurs…

Si on ne savait pas pertinemment qu’au dessous d’un certain seuil, moins un collège compte d’élève, moins le ministère mettra à la disposition de l’établissement (donc des élèves) de profs, de matières, d’options, etc.

Alors on se demande pourquoi certains élus parlent à voix basse de ce ou ces collèges qu’il faudra bien fermer un jour alors qu’on les rénove en ce moment.

Parfois, la vérité fâche tout le monde. Alors, dans un beau consensus mou, on regarde tous ensemble ailleurs, pour feindre de l’ignorer. Mais un jour viendra…

 

9 février
Les bons comptes

L'événement est assez rare pour être souligné. Une manif pour la défense des 35 heures relie samedi, à l'heure de l'apéro, la mairie de Chaumont à la préfecture. Du classique. Du rodé. Le plumitif laborieux astreint à chronique demande à quelques camarade syndiqués : alors ? Combien aujourd'hui ? Bof ! 300.

Le plumitif interpelle alors les leaders syndicaux. Tous les leaders syndicaux. Alors, combien ? Regard expert sur et sous les banderoles : 500. Tous d'accords. 500.

Aussi professionnel que laborieux, le plumitif va voir la police. Alors ? Combien ? Bien sûr, il s'attend à «un p'tit 250» ou à un péremptoire «un peu moins de 300». Tenez-vous bien : 600 !

La Haute-Marne a eu la seule manif de France où le décompte de la police a été supérieur à celui des organisateurs. On ne peut pas soupçonner les Haut-Marnais d'en rajouter. Il se pourrait même que ce complexe sévisse dans d'autres domaines… Ça s'analyse.

 

23 février
Bouffée

Voilà quelques jours, un flash d'énergie a atteint la base du 7 e pilier du viaduc de Chaumont, et, à quelques milliardièmes de milliardièmes de seconde près la digue de Saint-Ciergues, la face nord de l'église Notre-Dame du Vert-Bois, le restant de notre planète, qu'elle soit ou pas passée aux 35 heures, et une bonne partie de notre hospitalière Galaxie. Cette chaude bouffée a dégagé autant d'énergie en un dixième de seconde que le Soleil en 100 000 ans.

Si cette explosion avait eu lieu à, disons, à vue de nez, à dix années-lumière du bureau de Bruno Sido, cela aurait sans doute provoqué une extinction massive des espèces vivante. Pas seulement dans le bureau. En gros, tout ça pour vous dire qu'il s'est passé un truc enooooorme, méga-grave dirait la jeunesse sans évoquer pour autant la réforme du bac.

L'événement, retranscrit dans nos colonnes, s'est traduit par 9 lignes de texte en bas de page dans notre édition dominicale. Soit moins, le même jour, que le loto de l'Amicale du Touille, à Lamancine ou la défaite de l'équipe de billard trois bandes de Saint-Dizier à Grauve. Loin de nous l'idée de dénigrer les salutaires et sociales activités des amis du Touille ou des habiles joueurs de billards. Quelle plus belle illustration pour la loi dite de proximité. Pour celle, aussi, de la relativité générale dévoyée. Décidément, tout est relatif. Même les bouffées de chaleur.

1er mars
#

«Si tu te fiches que la Champagne-Ardenne soit la seule région à perdre des habitants, tape le 1.
«Si tu fais peu de cas du constat que les jeunes Haut-Marnais diplômés ne reviennent pas dans ce département au terme de leurs études, tape le 2.
«Si cela te contrarie peu que Capdevielle lâche son site chaumontais et ses 150 salariés parce que les Polonais sont moins chers, tape le 3.
«Si cela t'amuse de savoir que les Polonais seront un jour marrons comme les Haut-Marnais à cause des Chinois, tape le 4.
«Si tu penses qu'il est normal que tout un peuple ait cru qu'il allait devenir plus riche en travaillant moins alors que la Chine s'éveillait, tape le 5.
«Si tu n'as nul besoin du haut débit, ni pour ton travail, ni pour tes loisirs, ni pour ta culture, tape le 6.
«Si la perspective de ne jamais accéder au TGV depuis un quai proche d'une de nos trois principales villes, tape le 7.
«Si les services publics haut-marnais s'inspirent à l'avenir, dans leur couverture du territoire, de l'exemple de la Mauritanie Saharienne sans que cela ne te soucie, tape le 8.
«Si tu feints d'ignorer que nombre d'entreprises artisanales haut-marnaises vont fermer dans les toutes prochaines années, faute de repreneurs, tape le 9.
«Si aucun de ces choix ne te convient, si tu ne te résignes pas au déclin, tape # pour te voir proposer de nouvelles options»

Bon sang ! mais elle est où, la touche # ? J'ai pas de touche #