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L'affaire Henri Parisot. Assises. Octobre 2004.
Article paru le 20 octobre
Pourquoi est mort Henri Parisot ?
Pourquoi est mort Henri Parisot ? Ce Bragard avait 57 ans lorsqu’il a été assassiné,
en mai 1997. A l’époque, trois hommes ont été arrêtés,
dont un mineur. Les deux autres seront jugés à partir de demain
par la Cour d’Assise de Haute-Marne.
Saura-t-on enfin, demain, jeudi, ou peut-être vendredi, pourquoi est
mort Henri Parisot ? Fin mai 1997, on retrouve son corps sans vie, baignant
dans une mare de sang coagulé, à son domicile de la rue des Montants, à Saint-Dizier.
Le cadavre du malheureux laisse apparaître des plaies sur le haut du
corps. Le décès remonte – semble-t-il – à plusieurs
jours. L’enquête est alors confiée à la PJ de Dijon.
Sur la scène du crime, les enquêteurs retrouvent un trousseau
de clés qui permet, de fil en aiguilles, d’interpeller trois suspects
dont un mineur.
Interrogés, ils reconnaissent rapidement les faits qui mettent essentiellement
en cause David Dussart, 24 ans. On lui reproche le meurtre. Ferhat Ait Addi,
28 ans, est accusé lui ne pas avoir empêché le crime.
Sept années après le drame, la famille de la victime ne sait
rien des mobiles de ce crime. Sept ans, c’est bien long alors que les
aveux avaient été recueillis très vite. Il semble que
des problèmes de procédures, des “erreurs d’aiguillages” ou
une lecture superficielle du dossier aient entraîné ce délai
pour le moins inhabituel.
Henri Parisot avait été marié à deux reprises et était
père de quatre enfants. Il avait notamment travaillé en tant
que chef de chantier mais des problèmes de santé l’avaient
définitivement éloigné des échafaudages. Il s’était
retrouvé alors au chômage, puis au RMI avant de trouver du travail
sous contrat emploi solidarité.
La victime avait été agressée une première fois
en janvier 1997. Hospitalisé, il n’avait alors ni porté plainte
ni dénoncé ses agresseurs. Cette première affaire est-elle
liée à son assassinat ? L’audience permettra sans doute
d’en apprendre un peu plus sur les motivations de ses derniers agresseurs.
David Dussart sera défendu par Me Gambini ; Ferhat Ait Addi a pour avocat
Me Michel. La famille de Henri Parisot sera représentée par Me
Pautot. L’avocat général sera le Procureur Gagnard.
Dominique Piot
Article
paru le 22 octobre
Affaire Parisot : «J'ai commencé, je finis !»
David Dussart est jugé depuis hier par la Cour d'assise pour avoir mortellement
blessé Henri Parisot en mai 1997. On reproche à Ferhat Ait Addi
de ne pas l'en avoir empêché.
Aujourd'hui âgé de 27 ans, David Dussart vit à Valencienne.
Le jeune homme, troisième d'une fratrie de cinq garçons, est
jugé depuis hier matin à Chaumont pour un homicide involontaire,
celui d'Henri Parisot. Pour les faits en question, il a été incarcéré du
31 mai 1997 au 10 mars 1999. La justice lui reproche d'avoir porté une
quinzaine de coups de couteau à Henri Parisot, 57 ans, à Saint-Dizier,
sans doute vers minuit et demi dans la nuit du 21 au 22 mai 1997.
La Cour d'Assise a évoqué, hier, sa personnalité, son
rejet du système scolaire ; il y avait rencontré des problèmes
de discipline. A l'époque du drame, il effectuait un service civil au
sein de l'UJB.
Ce maudit 21 mai, David Dussart, Ferhat Ait Addi et un mineur passent la soirée
au Bar L'Horizon, à Saint-Dizier. David Dussart espère y noyer
dans les effluves de la bière une rupture amoureuse mal vécue.
Les trois jeunes gens quittent l'estaminet vers minuit. Ils croisent une patrouille
de police qui les contrôle au niveau du chemin de l'étang Rozet.
Ils poursuivent ensuite vers le Vert-Bois par la rue des Montants. Au niveau
du 41, David Dussart lance des gravillons sur une maisonnette. Henri Parisot
y vit. Il en sort et invective le lanceur de cailloux. «Fils de pute» a-t-il
peut-être lancé en direction de David Dussart. Puis il rentre
chez lui, par derrière.
C'est vous l'agresseur. Pas lui
David Dussart enjambe alors le grillage et suit chez lui Henri Parisot. Ce
dernier tente de le repousser avec un bâton. David Dussart sort un couteau.
Il frappe son adversaire qui tombe. David Dussart s'accroupit sur le corps
qui gît à ses pieds. Un peu à l'écart, à l'entrée,
Ferhat Ait Addi devine le drame qui se noue à la lueur de la flamme
d'un briquet. Il met en garde son camarade contre les conséquences de
ce qu'il s'apprête à commettre. «J'ai commencé ;
je finis» répond le jeune homme qui porte au malheureux plusieurs
nouveaux coups*.
«
Mon fils regrette. Il a reconnu ce qu'il a fait» vient dire la mère
de l'accusé, très digne. Elle mesure assurément ce qui
se joue ; ce que risque son fils, qu'elle aime comme une mère.
Mais du même coup, confiant à la cour ses sentiments sur la culpabilité de
son fils, elle joue involontairement un mauvais tour au premier système
de défense que dévoile dans l'après-midi Me Gambini :«et
si David n'avait pas tué ?»
Arrive justement l'évocation des faits par l'accusé lui-même.
Elle tient en peu de mots : «Je l'ai suivi. Il avait un bâton.
On s'est bousculés. J'avais un couteau dans la poche. J'ai donné des
coups. Je suis reparti. Il m'insultait encore.»
Aux questions qui l'invitent à développer un tantinet son récit
répond une immense gêne mâtinée de silence.
Le procureur se fâche : «C'est vous l'agresseur. Pas lui ! ».
Un volcan qui dort
Le rôle de Ferhat Ait Addi relève, à tous les sens de l'expression,
d'une moindre responsabilité. Il était bien présent, à quelques
mètres du drame ; il n'a rien tenté pour dévier le cours
du destin.
Ferhat Ait Addi suit actuellement un traitement médicamenteux prescrit
pour des troubles du comportement. «La structure de sa personnalité rentre
clairement dans le champ de la psychopathologie, mais pas dans celui de la
maladie mentale stricto censu» explique un expert. «C'est un volcan
qui dort» conclura-t-il.
Me Tribolet, son conseil, s'insurge à deux reprises : «Ce qu'on
lui reproche aujourd'hui, justement, c'est de n'être pas passé à l'acte.
On nous dit qu'il est impulsif. Et pourtant, là, il n'y va pas ! ».
A plusieurs reprises, Ferhat Ait Addi met cette terrible sentence dans la bouche
de David Dussart : «J'ai commencé, je finis». Mais hier,
en fin d'après-midi, il en a cité une autre : «J'ai peur
qu'il m'ait reconnu. J'y retourne». En fait, les déclarations
de Ferhat Ait Addi varient d'une minute à l'autre. Les versions s'entrechoquent
sans pudeur. L'incohérence des propos pourrait prêter à sourire
si ne planait au-dessus des échanges la mémoire d'Henri Parisot.
Parce que celui-ci est mort poignardé, David Dussart risque trente années
de réclusion criminelle. Il devrait être fixé ce soir,
sans doute fort tard, sur son sort.
Compte-rendu d'audience : Dominique Piot
Article
paru le 23 octobre
Affaire Parisot : 10 ans de prison pour David Dussart
David Dussart 27 ans, a été condamné hier soir à dix
ans de réclusion criminelle pour avoir tué en mai 1997 Henri
Parisot à Saint-Dizier. Ferhat Ait Addi est condamné lui à un
an de prison avec sursis et à une obligation de soins.
Dès hier matin, Frédéric Pautot, qui représente
les intérêts de la famille de la victime, s'attache à démontrer
l'intention homicide de David Dussart. Il s'arrête aussi sur la date
du décès, "détail" qui conditionne la culpabilité de
l'accusé. Il entend démonter la vacuité des témoignages
avant d'évoquer, pour finir, la vie et la mémoire d'Henri Parisot.
Ce sont des connards
Le réquisitoire de l'avocat général s'avère plus
circonstancié, plus dur envers l'accusé, dans la forme comme
dans le fond. Aux questions "qui", "comment", "pourquoi",
il répond : «Dussart, volontairement, avec acharnement, et pour
rien. […] Parce qu'il est tombé sur un jeune coq monté sur
ses ergots. Parisot a eu raison de les traiter de connards, car ce sont bien
des connards». Puis, devançant l'argumentation de Me Gambini,
M. Gagnard reprends un à un les témoignages de ceux qui pensaient
avoir vu Henri Parisot vivant après le 23 mai. Pour les démonter.
Avant de demander 18 mois assortis du sursis pour Ferhat Ait Addi et une peine
supérieure à 10 ans pour le principal accusé, il lance à ce
dernier : «Monsieur Parisot vous valait bien».
J'ai peur de l'erreur judiciaire
Premier à intervenir pour la défense, Me Tribolet, avocat de
Ferhat Ait Addi, évoque d'abord le doute. Celui des magistrats professionnels,
qui se sont contredits durant sept ans. «Cela donne la mesure du doute» ;
celui de son client, aussi, «dont la responsabilité n'est pas évidente».
Me Tribolet tient un solide argument, déjà utilisé la
veille : «dans une situation aussi conflictuelle, il n'est pas intervenu.
La dangerosité n'était pas là où on l'attendait.
[…] Intervenir ? Facile à dire ! […] Qui aurait tenté de
maîtriser un homme alcoolisé, agressif, armé d'un couteau
?».
Si la partie civile, l'avocat général, et le premier avocat de
la défense adoptent un plan classique, fondé sur une thèse,
dont ils démontrent la logique, Me Gambini, la dernière à s'exprimer,
choisit de bâtir son intervention en deux parties bien distinctes. En
préambule, elle prépare le terrain : «j'ai peur de l'erreur
judiciaire». Chacun devine alors la suite. Et s'il n'avait pas tué ?
Sa première partie peut tenir en peu de mots qu'elle prononce d'ailleurs
: «Il y a bien eu une agression. C'est sûr. Mais mon client n'a
jamais voulu tuer Henri Parisot». Elle fonde cette première assertion
sur les conclusions des experts. Elle charge aussi Ferhat Ait Addi, met surtout
en cause sa crédibilité et propose finalement d'écarter
son témoignage du dossier. Elle le répète, comme pour
mieux convaincre : «David Dussart n'avait pas l'intention de tuer. Vous
ne pouvez pas le condamner pour meurtre». Elle aurait pu en rester là.
Chacun, cependant attend l'inévitable suite. «C'est le scénario
le plus plausible» poursuit-elle. Il en est donc un autre, entrevu dès
la veille : Et si David Dussart n'avait pas tué ?
Si doute il y a
Elle reprend les témoignages des 24 et 25 mai, de ceux qui ont vu – ou
croient avoir vu - Henri Parisot indemne, intact, en ville. Elle choisit ceux
qui servent son propos. Quant à ceux qui, au contraire, ne l'ont subitement
plus vu là où ils le voyaient, elle avance une explication : «s'il
ne faisait plus la manche, c'est parce qu'il venait de toucher sa toute récente
retraite».
Oui, mais si ce n'est Dussart, qui alors ? Me Gambini a tout prévu : «Je
n'accuse personne mais…» Mais elle cite un nom, celui d'un homme
hospitalisé à cette époque là, mais qui, au bénéfice
d'une sortie… Patiemment, rigoureusement, elle sème le doute.
Jusqu'à la conclusion attendue de son intervention : «Est-ce que
la mort d'Henri Parisot peut avoir eu une cause étrangère à David
Dussart ?» Les jurés le savent : le doute profite à l'accusé.
Quand doute il y a.
Compte-rendu d'audience : Dominique Piot
Si sans ni saint
Henri Parisot, dit "Le Parisien" n'était pas un sans domicile
fixe (SDF) comme certains se sont plus à le dire. Il était domicilié au
41 de la rue des Montants, à Saint-Dizier. Il y vivait depuis plusieurs
années, dans une maisonnette qui appartenait à sa famille depuis
deux générations. Il avait aussi un compte en banque.
Ce n'était pas un non plus saint, au sens “miraculé” du
terme, malgré les "apparitions" dont ont été témoins
plusieurs personnes : des Bragards ont certifié l'avoir vu vivant plusieurs
jours après... sa mort scientifiquement supposée. Le miracle
a eu lieu les 24 et 25 mai. Sans la moindre plaie, sans la moindre trace de
blessure. Il était même avec son chien… qui lui avait été retiré dès
le 19 mai.