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Dossier Sangliers et dégâts de gibier. Août 2003.
Bracelets sangliers : l'incroyable inflation (I)
La seconde attribution de bracelets sangliers vient d'en "donner" plus
de 14 000 soit 4000 de plus que le nombre total de cochons tué la saison
dernière. L'inflation n'est pas qu'anecdotique. Les conséquences,
notamment économiques et écologiques, seront nombreuses. Le débat
est lancé.
Impensable ! Inexplicable ! Les chasseurs n'en reviennent toujours pas. Les
premières attributions du plan de chasse 2003 – 2004 pulvérisent
les records. Cette inflation de bracelets étonne, désarçonne.
Elle inquiète aussi. Les conséquences pourraient aller bien au-delà de
la seule et exponentielle inflation du taux de mortalité par balle chez
les artiodactyles haut-marnais à l'automne prochain.
Plantons d'abord le décor. Trois attributions de bracelets ont lieu
dans l'année. La première pour les tirs d'été,
de début juin à la mi-août. La seconde concerne l'ouverture
en plaine. La dernière vers la mi-décembre. Celle-ci permet d'adapter
le plan de chasse à la population réelle telle qu'on peut l'évaluer à ce
moment-là. Selon les conditions, les années, une femelle porte
entre deux et dix petits. Ce rapport de un à cinq modifie forcément
la donne. Les chasseurs ont à l'entrée de l'hiver une idée
bien plus précise de la population réelle de sangliers qu'au
milieu de l'été.
Or, cette année pas faite comme les autres, la deuxième attribution
a d'ores et déjà fixé à 14 271 le nombre total
de bracelet. Le chiffre fait bondir. Comparons-le aux données de l'an
dernier : 13 557 bracelets attribués au total et seulement 10 338 réalisations.
Autrement dit, les chasseurs, dès juillet, savaient qu'ils devront faire
avec 4000 bracelets de plus (4000 sangliers de plus à tuer) que ce qu'ils
ont effectivement réalisé la saison passée. Précisons
qu'en certains endroits, les réalisations avaient été volontairement
réduites l'an passé, "pour laisser du sanglier". «Pure
inconscience ! » entend-on à la Fédération. Il est
vraisemblable que 2000 à 3000 bracelets supplémentaires seront
attribués en fin d'année…
«
On peut s'en étonner» commente en un doux euphémisme le
président des chasseurs de grand gibier, qui lui, retarde l'ouverture à Arc-en-Barrois.
Comment en est-on arrivé là ? Des commissions locales de concertation,
réparties selon les massifs forestiers, ont fait des propositions. Ces
commissions sont composées de chasseurs "de terrain", bien
sûr, mais aussi de représentants de la Fédération,
d'agriculteurs, de l'Office national des forêts (ONF) et de propriétaires
forestiers.
Les dégâts
et la population
Deux critères, d'ailleurs partiellement liés l'un à l'autre,
président à leurs décisions : les dégâts
constatés aux cultures et la population réelle.
L'assemblée générale de la Fédération départementale
des exploitants agricoles (FDSEA), à la mi-avril, à Nogent, aurait
dû mettre la puce à l'oreille aux chasseurs – et il en est
au sein des agriculteurs… Le rapporteur de la commission "dégâts
de gibier" avait eu des mots extrêmement durs pour les porteurs
de fusil. Même si chaque année, c'est la même chose ; cette
fois, la preuve…
Car pour beaucoup de chasseurs de base, leur fédération a tout
simplement subi le lobbying insistant des agriculteurs. Un des Nemrod à la
langue bien pendue constate d'ailleurs un tantinet dépité : «désormais,
notre Fédération a plus vocation à payer les dégâts – c'est-à-dire à lever
un impôt sournois – qu'à gérer la chasse».
Ce débat en ouvre un autre : on sait que là où aucune
mesure de prévention n'est prise, très peu de sangliers peuvent
causer d'énormes dégâts.
Un autre constat s'impose aussi : conséquence directe des glandées
très favorables de 2001 et 2002, la reproduction des sangliers a été exceptionnelle
cette année.
Le débat est lancé. Dans nos colonnes, il ne fera pas l'impasse
sur l'impact de la chasse sur l'économie de la Haute-Marne, pas plus
que sur l'impact de cette attribution pléthorique de bracelets sur la
vie des petites sociétés de chasse. Le tourisme lié à la
chasse est une réalité, voire une piste de développement
; on songe là notamment à Actéon. On pense aussi à l'équilibre
du budget de petites communes.
Sangliers : perfide abondance (II)
On a vu quelle inflation touchait l'attribution de bracelets sangliers
cette année (JHM du 18 août). Aujourd'hui, Gilbert Clop, président
de la Fédération des chasseurs, justifie la nécessaire
réduction des populations. Parfois, la pénurie est plus facile à gérer
que l'abondance…
«
Il faut absolument réduire les populations de sanglier» lance
Gilbert Clop. Le président de la Fédération des chasseurs
haut-marnais, leur porte-parole en quelque sorte, appuie son propos d'un commentaire
qui lui donne toute sa valeur : «je comprends le mécontentement
des agriculteurs».
Comment en est-on arrivé là ? Gilbert Clop date les causes profondes
de cette inflation bien avant la tempête de 1999 et les glandées
qui ont suivi. «Tout est lié aux changements de cultures intervenus
après les remembrements». Gilbert Clop signale aussi, paradoxalement, «la
trop bonne gestion des chasseurs». Mais désormais, il faut maîtriser
les densités.
Péréquation
Le problème n'est pas propre à la Haute-Marne. Bien d'autres
départements sont confrontés à la même situation.
Nos voisins allemands aussi. Reste un effarant pourcentage : 82 % des dégâts
de cultures de notre département sont dus aux sangliers.
Alors que 275 dossiers ont été instruits l'an dernier pour un
montant de 109 000 euros, on en est déjà à 362 dossiers
cette année qui représentent 164 000 euros ! Et encore n'a-t-on
pas encore mesuré les dégâts occasionnés dans les
blés, les avoines et les maïs…
«
On veut que les densités diminuent sérieusement» insiste
Gilbert Clop. On le comprend : dans deux départements voisins – les
Vosges et la Côte d'Or, on a atteint la barre psychologique du million
et demi d'euros. Et encore s'éloigne-t-on singulièrement de la
psychologie lorsqu'il faut payer la note : ce sont les chasseurs qui déboursent.
Même s'il existe un fonds de péréquation qui permet aux
grosses fédérations (la Gironde par exemple) d'aider les petites
(la Haute-Marne, forcément…).
Clôtures : le courant ne passe plus
Préoccupé, Gilbert Clop a d'ailleurs écrit au préfet,
demandant d'avancer au 31 août l'ouverture générale du
sanglier. Il fonde sa requête sur une infaillible logique : «pour
réduire les populations, il faut allonger les périodes durant
lesquelles on les chasse.»
La chasse au sanglier offre aujourd'hui dans nos régions à l'observateur
un paradoxe qui aurait pu passer pour une joyeuse utopie voilà quelques
années : l'abondance est plus difficile à gérer, et coûte
bien plus cher que la pénurie.
Quoi qu'en disent certains, la Fédération de Haute-Marne s'emploie
donc à limiter les dégâts. Une des solutions est passée
par l'installation et l'entretien de 1080 Km de clôtures électriques
pour notre seul département. Pas moins de sept agents salariés
y travaillent à l'année. Faut-il poursuivre ce clôturage
indéfiniment ? Jusqu'où ? En alignant les kilomètres par
centaines, on devra aussi songer à leur surveillance. Une clôture électrique
sans électricité n'est qu'un bout de fil à peine anecdotique
pour un sanglier en quête de déjeuner. Or, on sait très
bien que des batteries sont volées, des installations endommagées,
par des bipèdes, cette fois.
Tout le monde ou presque s'accorde ou feint de s'entendre sur l'évidente
solution : réduire les populations… pour réduire les coûts.
Mais réduire jusqu'où, pour que la chasse, qui demeure une activité d'appel
primordiale pour l'économie du tourisme, au sens large, et l'économie
des communes, conserve ses atouts .
Bracelets : un millésime orange
Le fameux bracelet coûtera 35 euros. Il sera orangé cette année. À chaque
saison est attribuée une couleur distincte. Cela évite les "erreurs".
Une seule catégorie de bracelet est instituée en Haute-Marne,
sauf pour la zone d'Écot-la-Combe. Il doit être impérativement
posé à une patte arrière du sanglier dès que celui-ci
est abattu, et assurément avant le transport. Le système de rivet
rend théoriquement inviolable le système.
Tous les morceaux du sanglier, y compris les abats et la tête, doivent être
accompagnés, lors de leur transport, d'une attestation extraite d'un
carnet à souche justifiant l'origine des morceaux.
Lors de sa pose, le chasseur doit découper deux lamelles de part et
d'autre de la lanière : celle du mois et celle du jour. Chaque numéro
est forcément unique. Ces bracelets sont achetés par les chasseurs
haut-marnais, pas par leurs invités, venus de l'extérieur.
Le sanglier nourrit
la colère des agriculteurs (III)
Les dégâts de gibier vont croissant. La grande majorité de
ces dégâts est due aux sangliers. Les agriculteurs s'estiment
largement lésés. Damien Lahaye, qui connaît bien le dossier
au sein de la FDSEA, exprime aujourd'hui leur point de vue.
L'antagonisme agriculteurs/chasseurs n'est pas récent. L'inflation des
bracelets sangliers observée cette année n'est qu'un épisode
de plus dans l'histoire de cette relation forcément intense : les chasseurs
ont besoin de gibier, et le gibier, pour se nourrir, cause des dégâts
dans les champs cultivés par les agriculteurs pour y gagner leur vie.
On devine le problème.
Damien Lahaye, vice-président de la FDSEA, mais surtout président
de la commission "dégâts de gibier" a tôt fait
de planter le décor : «Ne perdons pas de vue l'ordre des priorités
: c'est un loisir qui s'oppose à un métier». Le ton est
donné !
Le céréalier de Vignory décline son argumentation en quatre
points :
•
Développer les clôtures
•
Réduire les populations
•
Modifier les méthodes de chasse
•
Contrôler la réalisation des plans de chasse
«
Nos relations se sont dégradées avec les chasseurs. Nous sommes
arrivés à une situation de rupture» expliquait Damien Lahaye,
au printemps, à la tribune de l'assemblée générale
de la FDSEA. Les mots entendus alors étaient très durs pour les
chasseurs «qui nous font des coups tordus à la première
occasion. […] Nous demandons que notre travail soit respecté et
que les délinquants qui font de l'élevage de nuisibles soient
plus sévèrement sanctionnés».
Insupportables dégâts
L'exaspération est palpable. Les 5 % d'abattement prélevés
aux dépens des agriculteurs sur les sommes estimées par les experts
n'y sont pas étrangers non plus. Damien Lahaye développe ses
solutions. «On tire la sonnette d'alarme. Il serait si facile de faire
de la prévention.»
La mesure préventive la plus évidente lui semble être la
clôture. «Cette solution a fait ses preuves avec 95 % à 98
% de réussite. Mais nous ne devons pas laisser la Fédération
des chasseurs déposer les piquets et le fil dans nos cours de ferme.
Je m'oppose à ce que les agriculteurs posent ces clôtures. Cette
tâche revient aux chasseurs».
Damien Lahaye s'oppose à l'agrainage tel qu'il est pratiqué la
plupart du temps en Haute-Marne : «le sanglier est classé nuisible.
Le nourrir est interdit. Quand on voit les tonnes de maïs que répandent
les chasseurs pour garder leur cheptel ! Ce n'est plus de la chasse, c'est
de l'élevage. Certains coins sont devenus de véritables porcheries».
Il s'oppose aussi avec véhémence à l'interdiction de tirer
les laies reproductrices et condamne dans la foulée les limites liées
au poids des bêtes. L'agriculteur se montre sceptique sur l'avancement
de la date de chasse «Cela ne donne rien si on n'y met pas les moyens.
Tant que les chasseurs ne seront pas décidés à faire de
l'abattage…».
Son scepticisme s'étend aussi à l'efficacité du plan de
chasse : «celui-ci ne fait qu'augmenter la population de sanglier ; le
bracelet n'est pas suffisant. Il faudrait instaurer un système de contrôle
beaucoup plus sévère, notamment pour les grands massifs en bordure
desquels les dégâts sont devenus insupportables».
Jean-Claude Maroilley :
l'indispensable entente (IV)
Les "experts" ont parlé : les sangliers vont tomber. Place
aujourd'hui aux hommes de terrain. Chasseur émérite, Jean-Claude
Maroilley connaît bien le problème et propose d'optimiser la gestion,
notamment par plus de concertation entre toutes les parties.
À
54 ans, Jean-Claude Maroilley, de Chaumont, passe pour un bon chasseur. Un
connaisseur aussi, qui conjugue admirablement expérience et connaissance,
ce qu'il devine, qui relève de l'instinct, et ce qu'il sait, pour l'avoir
déduit ou constaté.
Il a débuté à 16 ans. C'était une autre époque,
d'autres mœurs. I'adolescent glissait ses pas dans ceux de son père
; cela se déroulait à la "Queue d'Orges". Depuis 1976 – une
année de sécheresse, décidément… - il chasse
dans la forêt d'Arc-en-Barrois. Depuis huit ans, Jean-Claude Maroilley
est aussi adjudicataire à Châteauvillain. Bref, il s'y entend
un tantinet pour parler chasse. En sa compagnie, on est loin, très loin
des quelques viandards qui polluent le jugement des citadins mal informés.
Jean-Claude Maroilley estime d'emblée que la première attribution
de bracelets sangliers a été bien trop généreuse.
Il ajoute qu'à ce moment-là de l'année, en début
d'été, on ne pouvait pas deviner l'empleur de la canicule qui
sévit depuis : «la sécheresse va nous faire perdre beaucoup
de cheptel». Il ajoute enfin que la seconde attribution devrait être
reportée à la fin décembre. «Ce délai supplémentaire
laisserait le temps aux adjudicataires d'évaluer avec précision
les populations réelles».
L'urine de sanglier
Jean-Claude Maroilley modère d'emblée le discours souvent entendu
ces derniers temps sur les sangliers : «On ne saurait dire qu'il y en
a de trop partout. On constate une surpopulation en certains endroits. C'est
là que les dégâts sont les plus importants et c'est là qu'il
aurait fallu engrainer efficacement.»
L'engrainage ! un des dadas de l'adjudicataire de Châteauvillain. Cet
adepte expérimenté de l'engrainage linéaire explique qu'il
faut disposer le maïs destiné à nourrir les sangliers sur
des lignes globalement parallèles aux bordures de cultures. Si cela
est fait deux fois par semaine, proprement, les sangliers s'arrêtent
là et ne vont pas faire des champs de céréales un garde-manger
copieusement dévasté.
Reste que l'application d'une telle solution requiert du temps,
et surtout une réelle entente entre tous : «adjudicataires, chasseurs et
agriculteurs doivent coordonner leurs efforts».
Le cas des clôtures à l'intérieur des forêts domaniales
contrarie l'amoureux de la Nature qu'est notre chasseur. Il pense qu'elles
perturbent surtout le grand gibier. Mais il est favorable aux clôtures
qui protègent les cultures. «Mais si elles sont mal entretenues,
elles perdent leur efficacité». Selon lui, les chasseurs devraient
là aussi s'entendre avec les agriculteurs pour les entretenir, faucher
l'herbe en-dessous, réparer ce qui doit l'être, changer les batteries
qui disparaissent. Car la batterie est soluble dans l'air, à moins que
ce ne soit sous le jet d'urine de sanglier.
La chasse au sens large
Pour ce noble gibier s'impose aussi le problème de la chasse d'approche
d'été. «C'est la porte ouverte au braconnage». Jean-Claude
Maroilley rappelle que jusqu'au 15 août, il est interdit de tuer une
laie de plus de 50 Kg. Il s'insurge : «À partir du 1er juin, il
faudrait avoir le droit de tirer les femelles "sangliers blancs"» *.
Cela participerait à l'effort de réduction de cette population
indésirable.
Pour Jean-Claude Maroilley, la chasse doit demeurer au authentique
loisir, un plaisir d'esthète. Il faut des sangliers. Leur raréfaction
ruinerait des années d'efforts et un pan de l'économie rurale.
Pour cela, «il faut gérer, et bien gérer. Cela passe par
une meilleure coordination des efforts de tous, pour l'intérêt
commun ; plus de concertation entre les adjudicataires et les mairies, par
exemple, pour du long terme qui dépasserait de loin un mandat d'élu
local.» Jean-Claude Maroilley s'insurge contre la division des grands
massifs préjudiciable à l'ensemble de la chasse.
On dépasse là le cadre trop étriqué du seul cas
des bracelets sangliers. On le dépasse, en l'englobant. En matière
de cynégétique, un dossier ne chasse pas l'autre mais s'y agrège.
Si vous parlez "sanglier" à Jean-Claude Maroilley, il évoque
aussi «l'indispensable retour du jour d'interdiction de chasse» où encore
les dégâts à long terme du mode d'exploitation actuel des
forêts. «Dans 20 ans, la chasse va le payer très cher».
Jean-Michel Cussey : «la con-cer-ta-tion !» (V)
Jean-Michel Cussey, de Foulain, respecte la nature et pratique
la chasse. Son expérience donne du crédit à ses propos.
Jean-Michel Cussey porte régulièrement un fusil. Cela dure depuis
32 ans. Il se présente comme un simple chasseur, qui vit sa passion
dans tous les types de chasses, grandes ou petites. Il se fait fort de transmettre
sa passion à ses fils auxquels il apprend à tirer «mais
aussi à ne pas tirer».
D'emblée, l'homme du bois plante le décor du dossier "plan
de chasse sangliers".
Cet outil bifide, à la fois gestionnaire de la population de sangliers
et levier financier est manipulé dans un climat toujours éminemment
passionnel.
Agriculteurs et les chasseurs s’opposent de longue date sur le sujet.
L’arbitrage est exercé par l’administration départementale
sur avis de l’office national de la chasse et des différents intervenants
tel que l’office national des forêts, la protection de la nature,
etc.
Jean-Michel Cussey dresse d'abord un constat en trois volets
:
«
- Le prélèvement de 10300 sangliers pendant la saison 2002/2003,
est de loin le plus important jamais réalisé dans notre département.
- En s’ajoutant aux baisses tarifaires des denrées pour les céréaliers
et aux faibles récoltes de maïs qui ne leur permettront pas de
nourrir leurs cheptels, pour les éleveurs, la sécheresse augmente
le désarroi des agriculteurs.
- Les problèmes ponctuels de dégâts dus aux sangliers dans
des zones d’ordinaire tranquilles renforcent l’anxiété des
services de la Direction de l’agriculture et de la forêt, de la
préfecture et, bien entendu, de l’office national de la chasse
et de la fédération des chasseurs.»
Le plaisir et la bonne volonté
Face à cela, la réaction ne s'est pas fait attendre : la commission
départementale a anticipé et attribué en première
dotation 12850 bracelets de sangliers ; la demande des chasseurs était
de 11100.
Plutôt que de critiquer le passé, le chasseur de Foulain préfère
envisager l'avenir :
«
Aux problèmes rencontrés, les chasseurs, en priorité,
doivent apporter des solutions. En matière de chasse, c'est à nous,
chasseurs, de tout faire pour limiter les dégâts occasionnés
par les animaux que nous chassons par plaisir. Il est indispensable que nous
mettions tous de la bonne volonté.»
Pour Jean-Michel Cussey, deux alternatives se présentent : réduire
les populations ou protéger les cultures (notamment par la pose de clôtures
entretenues, d’agrainages dissuasifs, etc).
Plus que tout, Jean-Michel Cussey prône la concertation : «nous
constatons que là où les gens se sont mis autour de la table,
il y a eu une nette amélioration. A nous chasseurs de mettre en place
des plans d’amélioration afin de limiter les dégâts,
leurs factures et l’exaspération des agriculteurs».
Vive les regroupements
Les deux principaux camps fourbissent leurs arguments. Jean-Michel
Cussey évoque,
en les déplorant, quelques cas caricaturaux : ces agriculteurs qui interdisent
toute chasse sur des parcelles alors même que leurs champs sont victimes
des sangliers (sur ces territoires, pas de plan de chasse, pas d’ouverture
anticipée possible mais des dégâts). Il cite encore le
cas d’une société de chasse exerçant sur un territoire
magnifique et giboyeux, dont la grande majorité des partenaires ne fait
aucun effort hors période chasse afin de préserver des cultures
riveraines ravagées par les groins des suidés.
Dans ces deux cas, les interventions des personnels de la Fédération,
des lieutenants de louveterie et des maires ont favorisées un échange
(qui n’existait plus) entre agriculteurs et chasseurs. Des actions significatives
ont été mises en place. «Mais, il faudra à chacun
la volonté et la pugnacité de poursuivre ces actions engagées.»
Il propose également de favoriser les regroupements :«Plus les
unités de gestion seront grandes et cohérentes, plus les décisions
concertées seront efficaces. La cohésion sociale dans notre campagne
profonde se trouverait également améliorée». Jean-Michel
Cussey poursuit : «Avec une première attribution supérieure
de 20 % au prélèvement record de l’année précédente,
gageons que les cas nécessitant une seconde distribution seront rares.»
L’outil plan de chasse sanglier est utilisé à 100 %. Au
nombre de sangliers attribué correspond une rentrée financière
non négligeable en couverture d’une facture de dégâts
estimée à la hausse...
Mais fi de la bête noire ! le chasseur se risque à la confidence
: «mon rêve de chasseur est la réimplantation de la perdrix
grise. Un prélèvement de 13000 perdrix dans notre département
n’est pas utopique. De plus, les perdrix ne commettraient pas de dégâts
et seraient peut-être une solution de revenu complémentaire pour
notre agriculture. A expérimenter !». Avis aux amateurs.
François Jehlé : des solutions, ensemble
François Jehlé, président de l’Association Départementale
des Chasseurs de Grand Gibier, est naturellement concerné par le dossier "sanglier" ouvert
depuis lundi dans nos colonnes. Il fonde son propos sur les exemples d'Arc-en-Barrois
et d'Ecôt-le-Combe.
JHM : On parle de plus en plus de sangliers dans les grandes
cultures…
F.J. : «Les sangliers doivent rester dans les grands massifs boisés
il ne faut pas chercher à faire du sanglier partout. Effectivement pour
le chevreuil, en respectant les règles de gestion, on a développé des
populations importantes et installé en plaine " le chevreuil de
plaine". Mais il ne faut surtout pas en arriver là pour le sanglier.
Le sanglier est un animal forestier. Il n’a rien à faire dans
les plaines agricoles et n’a donc pas à s’établir
dans les boqueteaux (de plaine) ou dans les sous-massifs forestiers.
Si l’on regarde attentivement le développement des dégâts
on constate que ceux-ci augmentent dans les endroits où il n’y
avait pas ou très peu de sangliers et qu’ils diminuent dans les
massifs traditionnellement riches en suidés. Il faut donc veiller attentivement à ce
que les sangliers ne débordent pas… et ainsi une partie du problème
sera résolu.»
JHM : Que proposez-vous pour limiter les dégâts ?
F.J. : «Pour éviter les dégâts il faut être
logique et mener une forte politique de prévention. La Fédération
des chasseurs et les chasseurs s’y sont attelés de diverses manières
et toujours avec succès.
Là où s’exerce la prévention, là les dégâts
diminuent ou sont inexistants.
Deux exemples :
1 . Le massif d’Arc en Barrois où la population est en augmentation,
mais contrôlée, les dégâts sont en baisse grâce à la
clôture électrique, gérée par la Fédération
qui empêche les animaux de sortir en plaine et un agrainage intensif
pendant les périodes de semis et de céréales en lait.
L’agrainage n’intervenant pas en dehors de ces périodes
et ne se faisant en saison de chasse que de manière raisonnée
et en absence de fructification forestière.
2. Le massif d’Ecot la Combe où il y a moins de 10 ans les dégâts
explosaient alors que la population diminuait. Les agriculteurs mécontents
sommaient les chasseurs de prendre des mesures. A cet effet se créait
une association agriculteurs chasseurs qui prenaient en main le problème
avec le soutien actif et financier de la fédération des chasseurs.
Résultat il se tire aujourd’hui plus de 400 sangliers pour un
montant de dégâts inférieurs à 4500 €.
Cependant cette prévention a un coût important. Pour le massif
d’Ecot c’est environ 45000 € par an financé seulement
et uniquement par les chasseurs. La seule ressource est le bracelet sanglier.
Il faut donc une population vive en sangliers pour distribuer beaucoup de bracelets
qui permettront la prévention.
C’est très perfide mais la prévention passe par l’abondance
de sangliers. Il faut s’y résoudre en le faisant d’une manière
parfaite en gérant au mieux la population pour la maintenir à un
excellent niveau.
A travers donc ces deux exemples il est démontré la compatibilité entre
beaucoup de sangliers dans des grands massifs forestiers et très peu
de dégâts dans les plaines agricoles adjacentes.»
JHM : Quel jugement portez-vous sur l'attitude des agriculteurs
?
F.J. : «Les agriculteurs se refusent à toute participation et
là ce n’est pas normal. Il faut arrêter au nom de la sacro-sainte
productivité de vouloir transformer notre belle nature sauvage en un
laboratoire de productivité végétale dont toute vie serait
absente. Après avoir liquidé les escargots, les limaces, les
moucherons, les libellules et les coquelicots nos amis paysans voudraient-ils
faire de nos champs la planète Mars ?
Je ne le crois pas et l’intransigeance de certains, voire l’extrémisme
malveillant, ne doivent pas nous faire baisser les bras et supprimer la vie
animale de nos forêts. Lorsque l’on s’installe quelque part
on prend en compte les avantages et les inconvénients et de tout temps
cultiver des céréales au bord de grands massifs forestiers a été une
provocation pour le grand gibier heureusement encore libre.»
JHM : Le plan de chasse sangliers de cette saison vous étonne ?
F.J. : «il faut le manier avec prudence et l’attribution en première
instance de plus de 14000 bracelets cette année est excessive. Il eut
fallu rester sur les bases de l’année dernière et ensuite
affiner lors de la deuxième attribution de décembre. C’est
là l’esprit même du plan de chasse en deux attributions.
C’est dommage, surtout lorsque l’on sait qu’avec la canicule
un nombre important de marcassins sont morts naturellement….
Ensemble chasseurs et agriculteurs parlons, et ensemble,
trouvons des solutions. Nous avons ponctuellement su le faire
alors continuons.»
Sanglier : le regard de l'estimateur (VI)
Ils sont onze en Haute-Marne. Onze, qui ne "jouent" pas mais servent
d'arbitres entre chasseurs et agriculteurs. Onze à devoir accumuler
assez d'expérience et de compétences pour déjouer les
possibles ruses des uns et des autres. Onze estimateurs des dégâts
de gibier. Leur fonction date d'une trentaine d'années.
André Girard fait partie de l'équipe. Il vit en Haute-Saône,
ce qui peut passer pour un gage de neutralité. Il est chargé d'estimer
les dégâts dans la zone sud-est du département.
À
l'origine d'une estimation, on trouve évidemment le dégât.
Il est constaté par l'agriculteur qui remplit une demande d'indemnisation
et la fait parvenir à la Fédération des chasseurs. «On
se rend sur place dans un délai de 10 jours, délai que l'on s'efforce
de réduire autant que faire se peut».
Une fois sur le terrain, André Girard estime la surface endommagée,
en évalue un pourcentage, évalue les rendements en se fondant
sur les rendements réels de la zone. Puis il soumet à l'agriculteur
son estimation pour signature.
Il est rare que l'agriculteur n'accepte pas. Le cas échéant,
le dossier et les conclusions de l'estimateur sont transmis à la Fédération
des chasseurs qui l'étudie en commission départementale.
L'agriculteur a aussi la possibilité de demander qu'une nouvelle estimation
soit effectuée par un autre expert, mais cette fois, à ses frais.
Le cas se présente extrêmement rarement. Il peut aussi traduire
la Fédération des chasseurs devant un tribunal. Lorsqu'un agriculteur
n'est pas d'accord avec le calcul de l'estimateur, il doit argumenter son refus.
Le prix de base des céréales retenu pour les estimations est
fixé à Paris par la commission nationale. C'est parfois là aussi
que le bât blesse : ce prix n'est pas forcément adapté au
cas de l'agriculture haut-marnaise.
«
Chasseur du dimanche» comme il se décrit lui-même, André Girard
se souvient «On a vu les années précédentes, vers
Grenant, des champs entiers détruits par les sangliers». Il pense
cependant que »les dégâts seront moins importants cette
année que la saison dernière, du moins dans la zone sud-est de
la Haute-Marne». Son métier l'amène à parcourir
100 000 Km chaque année. Et ce n'est pas de l'autoroute…
Sanglier : dérapages génétiques en vue (VII)
La croissance quantitative des sangliers n’est pas seule en cause dans
le débat ouvert par les bracelets. La qualité des bêtes,
elle, baisse en proportion. Dans la ligne de mire : les croisements avec les
cochons domestiques ou, plus récents, les porcs vietnamiens.
On l’a vu lors de précédents articles : il est vraisemblable
qu’il y a trop de sangliers dans certaines zones haut-marnaises. C’est
d’ailleurs lorsqu’ils sortent des forêts pour se nourrir
qu’ils sont trop nombreux, et « mal élevés » à table. Élevés
? Élevage ? le glissement sémantique s’apparente au dérapage
génétique. Car les sangliers dont on parle tant n’en sont
plus tous vraiment…
On parle de sangliers blancs, de cosanglier, de cochanglier,
sans oublier les sangliochon et autres sangliocochon.
En croissant en quantité dans nos sous-bois, le sanglier « classique » (on
aurait tort de dire pure race) a aussi multiplié les croisements avec
des porcs domestiques.
Précisons les choses. Le sanglier doit posséder 36 chromosomes.
Toute autre combinaison à 37 ou 38 chromosomes présume un contact
avec le porc domestique.
Pourquoi ces croisements ? Ils sont d’abord accidentels. C’est
la majorité des cas.
En « off », les chasseurs laissent entendre que certains croisements
de relèvent pas forcément du hasard amoureux. On sait qu’il
y a eu ailleurs des lâchers d'animaux hybrides, par des personnes peu
scrupuleuses, pour réintroduire le gibier ou compenser les prélèvements
sans se soucier du lendemain. Il faut savoir également que les hybrides
se reproduisent plus vite et grossissent plus rapidement.
Bannir les pâles imitations
Croisements hasardeux
Autre dérapage génétique, beaucoup plus récent
mais tout aussi préoccupant, celui avec les porcs vietnamiens. Ce cochon-là est
originaire du sud-est asiatique. La mode en a fait un animal domestique étonnant, «apprivoisable,
propre, intelligent» dit de lui un des sites internet où il est
enfantin d’en acheter. Les petits sont vendus au sevrage, à 8
semaines. Sans doute sont-ils alors mignons. Las, ils grandissent. Et certains
propriétaires pas très regardant s’en débarrassent… dans
la nature. Là, tous les croisements sont possibles avec « le nôtre ».
Le nôtre, justement. Le vrai, le lourd, le compact. La bête noire
pure souche. L’animal peut atteindre, dans nos régions, un maximum
de 150 kg pour une hauteur au garrot de 0,90 m pour une longueur de 1,70 m
environ. La femelle du sanglier (la laie) est en général plus
petite que le mâle.
Tirs de nuit
La distinction mâle/femelle est très difficile pendant l'action
de chasse.
Les mâles portent un pinceau de poils sous le ventre à l'extrémité du
fourreau. Seuls les mâles peuvent avoir des canines inférieures
(défenses) assez développés pour être visible de
loin.
Le régime alimentaire du sanglier est omnivore. En forêt, il consomme
des glands, des châtaignes, des racines et des pousses. Il consomme également
de nombreux invertébrés (vers, larves,…) et vertébrés
(mulot, lapereaux). Il trouve aussi largement de quoi se sustenter dans les
champs cultivés, et c’est bien là le problème.
Les sangliers vivent en compagnies. Elles sont menées par une veille
laie dominante. Les vieux mâles vivent isolés et ne rejoignent
les compagnies qu'au moment du rut. Ce rut a lieu normalement en décembre
et janvier.
Face aux « faux sangliers » de premières mesures ont été prises
en Haute-Marne. Les chasseurs doivent les tirer en priorité. Le bracelet
est alors remplacé gratuitement. On parle aussi de tirs de nuit, par
des agents assermentés uniquement. Un arrêté a été pris
en ce sens.
La DDA, à la charnière entre les deux mondes (VIII)
Comme "coincée" entre chasseurs et agriculteurs, la Direction
départementale de l'agriculture, et en son sein la direction de la chasse,
se trouve à la charnière des deux mondes. Elle y tient un rôle
administratif.
Directeur de la chasse à la Direction départementale de l'agriculture
(DDA), Jean-Pierre Thiebaud détaille la mission délicate de l'administration.
Il s'agit, pour la DDA, de réglementer en tenant compte au mieux des
divers intérêts en jeu : une quête improbable du juste milieu
entre le constat des agriculteurs et les intérêts cynégétiques.
Dans ce contexte délicat, l'administration s'appuie sur des textes,
la plupart issus du code rural. Elle agit au sein de différentes instances
de concertation, comme le Conseil départemental de la chasse, où elle
côtoie les syndicats agricoles, la Chambre d'agriculture, l'Office national
des forêts, l'Office national de la chasse et des syndicats de propriétaires
forestiers.
Rappelons que la démarche "dégâts de gibier" est
déclenchée à l'initiative de l'agriculteur qui établit
une déclaration transmise à la Fédération des chasseurs.
Celle-ci envoie un expert sur le terrain qui évalue les dégâts
en fondant son estimation sur un prix unitaire. Ce prix est fixé par
la commission de la chasse selon un barème établi par la Commission
nationale d'indemnisation. «Il y a eu des tensions cette année,
car ce barème, décidé à Paris, était trop
faible, par rapport aux prix constatés du marché. Or, la Commission
départementale ne saurait y déroger, sauf conditions exceptionnelles.
Ce n'est jamais arrivé dans notre département» explique
Jean-Pierre Thiebaud .
La DDA reconnaît que les dégâts sont constatés toute
l'année, «même si, pour les maïs, c'est plutôt
au printemps. C'est cette plante qui souffre le plus car c'est véritablement
le garde-manger du sanglier.»
Jean-Pierre Thiebaud reconnaît à la solution "clôture électrique" une
très bonne efficacité, jugement sitôt modéré par «mais
le sanglier s'habitue. C'est une bête intelligente qui peut détruire
ces fameuses clôtures».
Et quand ce n'est pas la bête qui les détruit… Quand tout
simplement le défaut d'entretien rend la clôture inefficace ? «L'agriculteur
peut subir des pénalités à l'indemnisation. Cela dit,
il serait tout de même plus pertinent de payer du matériel efficace
qu'une "non-récolte".»
Un groupe de travail s'est déjà réuni à la fin
du printemps à Chaumont pour réfléchir à la problématique.
On sait que la Commission départementale de la chasse se réunira
mercredi matin, à 9 h 30, à la préfecture. Il y sera nécessairement évoqué ce
problème récurrent, largement évoqué depuis une
semaine dans nos colonnes. Notre propos n'était pas de départager
définitivement agriculteurs et chasseurs en accordant des bons points
aux uns contre les autres. On connaît d'ailleurs des agriculteurs qui
chassent… Il ne s'agissait pas plus de vouer aux gémonies tel
type de chasse et de louer tel autre. D'où la confusion parfois ressentie à la
lecture d'avis qui se contredisaient. Non. Notre propos fut d'abord d'évoquer
largement, si possible sans hypocrisie, un sujet plus sérieux qu'il
n'y paraît depuis la ville. Un sujet sensible. Un sujet tout à la
fois passionnel et aux évidentes retombées économiques.
Nous avons donné la parole à des "spécialistes" des
deux camps ainsi qu'à ceux de l'administration.
Il semble indispensable, désormais, que tout le monde se réunisse
autour d'une table. Il en est d'excellentes, sur lesquelles la qualité du
gibier servi permettra aux estomacs d'établir un premier consensus.
Il faudra ensuite écouter, et enfin proposer.
L'ardennais Régis Arnould préside la commission nationale pour
les dégâts de gibier. Il concède volontiers être
toujours en quête d'une improbable solution : «je n'ai pas trouvé la
formule miracle».
Lorsqu'on lui dit que les chasseurs ne pourront
pas continuer indéfiniment à payer
toujours plus, Régis Arnould sourit : «les chasseurs ont les moyens.
Je regrette beaucoup cette situation. Mais même lorsqu'il faut payer
très cher pour chasser, ils se bousculent au portillon. Faisant ainsi,
on est en train de tuer la chasse et on a l'impression que tout le monde se
satisfait de cette situation.»
Le "patron" des chasseurs ardennais est formel : «Il faut absolument
faire baisser la population de sanglier, s'il faut de manière contrainte
et forcée. Si c'est à l'appréciation des seuls chasseurs,
on n'y arrivera pas.»
Selon Régis Arnould, les mentalités ont évolué : «Il
faut que les chasseurs se souviennent que le sanglier est un animal noble,
qui se mérite. Jadis, on en tuait deux et c'était merveilleux.
Aujourd'hui, on en tue vingt et tout le monde s'en fiche».