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Le Symposium Diderot - Langres - Avril 2003
Michel Serres pour le grand soir
Le premier symposium Diderot débute aujourd'hui à Langres. Quatre
communications figurent au programme dont celle de Michel Serres. On nous gâte
!
"
Penser le monde" est le thème de la première journée
du symposium Diderot inauguré aujourd'hui à Langres. Penser le
monde…Diantre ! Vaste ambition où s'entremêlent d'emblée
connaissance et philosophie. Une Canadienne et trois Français interviendront
cet après-midi et ce soir au Théâtre de Langres : Lise
Boily, de l'Université d'Ottawa – étroitement associée
au Pôle Diderot – évoquera la communication, les médias
et les cultures dans un monde interconnecté : le projet du Pays de Langres
et de la Haute-Marne pourra se doter de repères dès les premières
minutes du premier jour de son premier symposium.
Francis Rousseaux, du CNRS, devrait se pencher sur «une cartographie épique
des savoirs». Cette fameuse cartographie – thème général
des travaux – on la retrouvera dans l'intervention de Pierre Lévy.
Ce chercheur de réputation internationale, enseigne lui aussi à Ottawa.
Son propos clôturera l'après-midi en faisant intervenir «le
jeu de l'intelligence collective».
Les choses de l'esprit
La seule conférence "nocturne" des quatre jours aura lieu
ce soir. Celui qui a été surnommé "le philosophe
lumineux" viendra éclairer la notion bien floue que nous avons
de cette cartographie de la connaissance. Pour d'impérieuses raisons,
Michel Serres avait du annuler il y a quelques mois une première conférence à Langres.
Les Haut-Marnais apprécieront donc plus encore sa venue. L'académicien,
historien de la philosophie des sciences, vient de publier L'Incandescent aux
Editions Le Pommier. Après s'être penché sur la communication,
le corps humain et ses sens, l'instruction, les bouleversements de notre époque
et nos rapports avec le monde, Michel Serres y aborde la définition-même
de l'Homme. Il réfléchit sur le présent et l'avenir que
nous nous choisirons, ce qui, à une bien moindre échelle, concerne
directement la problématique actuelle de la Haute-Marne…
L'intervention de Michel Serres est considérée par beaucoup d'observateurs
comme un des temps forts du symposium. Le moment choisi pour sa communication
permettra au plus grand nombre d'y assister. A moins que le théâtre
de Langres ne s'avère d'emblée trop exigu pour des Haut-Marnais
que l'on veut croire curieux des choses de l'esprit ; c'est paradoxalement
là tout le mal que l'on peut souhaiter au symposium.
Michel Serres : L'Incandescent. Editions Le Pommier. 360 pages. 22 euros.
Vive
l’effet
de Serres !
D’emblée, hier dans la cité de l’encyclopédiste,
l’universitaire canadienne Lise Boily donnait le ton, plaçant
fort haut la barre du premier symposium Diderot. Dans la soirée, Michel
Serres concluait le premier acte de manière magistrale dans un théâtre
archi-comble : plus que du savoir, de la sagesse partagée.
La première journée du premier symposium Diderot a tenu ses promesses
hier à Langres. Depuis des interventions de haute tenue, en passant
par une visioconférence transatlantique et les discours consensuels
des élus jusqu’à une touche d’humour préhistorique
et néanmoins savant, tout concourrait à la réussite. Si
tant est qu’ils croient en eux, les Haut-Marnais ont raison d’être
ambitieux.
Monsieur Loyal de grand luxe, Michel Authier cadrait d’emblée
les travaux de l’après-midi : «il ne s’agit pas tant
de trouver des solutions que de cerner les problèmes afin de mieux maîtriser
l’espace des connaissances dans lequel nous vivons». Il cédait
la parole à l’universitaire canadienne Lise Boily. La première
intervenante plaçait tout de suite la barre très haut. Du flot
dense de ses propos émergeait le concept de post-humanité. «Il
faut s’y diriger avec circonspection». Peut-être parce qu’il
n’est pas encore certain que l’humanisme l’acompagne. Lise
Boily mettait les mains “dans le moteur”, illustrant ses propos
par du concret tel l’hypertexte «que l’on trouvait déjà dans
l’Encyclopédie de Diderot». «J’ai voulu partager
avec vous dix ans de recherche» confiait la conférencière.
Dix ans de haut niveau en une demi-heure... ceci explique cela...
Quitte à évoquer les technologies actuelles d’information
et de communication, autant les utiliser. Ce fut fait en visio-conférence
depuis Ottawa avec Pierre Levy. Si le son s’est avéré parfait
- et le propos limpide - l’image est restée terne, voire floue.
Puisqu’il s’est agit de projeter des slides (”diapos” de
ce côté-ci de l’Atlantique) un bon vieux vidéoprojecteur
en renfort n’aurait pas été ridicule. Reste qu’entendre
Pierre Lévy - très didactique - évoquer l’encyclopédie
comme «moyen» est un régal. «Moyen, mais à quelle
fin ? Augmenter, perfectionner l’intelligence collective dans toutes
ses dimensions». Les recherches actuelles de Pierre Levy consistent justement à tenter
de mesurer cette intelligence collective.
Nous sommes tous frères
«
Innovons, inventons !» lança dans la foulée Francis Rousseaux
(CNRS), qui résumait peut-être sans le savoir le propos même
du Pôle Diderot, organisateur du symposium. Pour lui, la cartographie
des savoirs sera une chorégraphie épique.
Epique, justement, fut pour certain l’appropriation d’un siège,
d’un strapontin, pour entendre et voir Michel Serres. Entendre Michel
Serres : exquis exercice ! édifiante expérience !
Les propos sont d’abord historique, sur la cartographie. Des propos savants
ou passionnants, savants ET passionnants. «Le savoir est fluctuant».
Le sien ? C’est moins sûr : Leibniz, Newton et tant d’autres
; il cite, il raconte, il narre, il conte, il fait rire avec l’âge
du dinausore. La salle est conquise par son «grand récit».
Buffon avait raison : le propre de l’homme, c’est la fesse. Ecrit
ici, ladite fesse est terne. Mais lâchée dans le récit
par ce facétieux et savant scénariste, la fesse devient un événement
majeur qui devance de peu cette fratrie qui fait l’humain : l’homme
se redresse et se disperce. «Nous sommes tous frères !»
D’où venons-nous ? De ce grand récit.
Qui sommes-nous ? La cartographie du savoir, nous la portons en nous, dans
notre chair ; nous avons tous l’âge de l’univers.
«
L’homme est un genre naturel à spécialité culturelle.[...]
La technique est une économie de la mort et non pas une dispensatrice
de mort.[...] L’avenir de la science, ce sera les sciences humaines
[...] Leur salut leur viendra de leur jonction avec les sciences dures. Il
faudra
trouver les liens entre nature et culture.»
Où allons-nous ? La science nous concerne tous ; autrement dit : nous
y allons. Nous sommes une espèce en voie d’auto-évolution.
Peu à peu, nous commençons à avoir la maîtrise de
l’environnement, de la sélection naturelle.
L’effet produit par une communication de Michel Serres, il est là :
il rend curieux, tolérant, un peu moins ignare, un peu plus modeste.
Le temps d’un soir, hier, Michel Serres a fait des ses auditeurs des
honnêtes hommes. Revenez, Monsieur. Revenez.
Diderot, clics et déclics
Tout ébaubi par la prestation, la veille au soir, de Michel Serres,
encore présent hier, le symposium a pris sa vitesse de croisière
en abordant son second volet : catégoriser, classifier la connaissance.
Du déclic de Diderot aux clics océaniens…
C'est un exposé plus littéraire que les communications précédentes
qu'a offert Pierre Chartier. L'universitaire parisien, qui compte parmi les
meilleurs connaisseurs de Diderot et son œuvre, a présenté le
fils de Didier le coutelier langrois, comme un des plus grands écrivains
de langue française. Un écrivain langrois : «je suis de
mon pays» a dit Diderot. «Il fut le fils, le penseur prodigue d'ici.
Aujourd'hui, il a retrouvé les siens» s'est réjoui Pierre
Chartier. Et le président de la société Diderot d'ajouter
: «Les projets de votre pays sont nos projets».
Leibniz, Spinoza et tant d'autres : si prestigieuse compagnie, conviée
par Pierre Chartier, avait de quoi donner le vertige aux nombreux auditeurs
encore présents hier après-midi au théâtre de Langres.
L'érudition de l'intervenant a permis de retracer sans lasser l'histoire
de l'Encyclopédie, «première entreprise capitalistique éditoriale
en Europe». Les plus grands du grand siècle y ont participé.
Pierre Chartier les cite. Du beau monde, il est vrai. Puis il lit la définition
que Diderot lui-même donna de l'Encyclopédie : une entreprise
collective qui fait appel aux talents épars. Pierre Chartier s'attarde
quelques instants sur les fameux renvois inventés par Diderot, renvois
qui préfigurent l'hypertexte du Web d'aujourd'hui.
Les conseils d'oncle Richard
Il revint à Richard Collin, économiste de la connaissance, de
se pencher sur le défi du Pôle Diderot. «Soyez multiculturels,
soyez multilinguistes» a-t-il conseillé aux Haut-Marnais en se
tournant vers Jean-François Chanot. «Faites des efforts de formation,
commencez par les élus, ce sont les plus difficiles». Il ne savait
pas que c'est justement là défi qu'avait décidé de
relever lundi le Conseil général.
A propos de territoire, il semble bien que la Région Poitou-Charente
travaille sur les mêmes dossiers que ceux que les Haut-Marnais du Pôle
Diderot s'apprêtent à aborder : «travaillons ensemble ;
c'est une nécessité» suggéra Richard Collin. On
réalisera là des économies d'échelle. On trouvera
même sans doute bien plus. Rapprochements en vue…
C'est en économiste que s'exprima l'intervenant : l'enjeu, c'est de
créer de la richesse, de maintenir notre capacité à apprendre.
C'est un combat. Il faut capitaliser nos connaissances. «Il faut apprendre
mieux et plus vite que son petit camarade, et non plus produire et vendre.
Il faut pressentir et réagir.» Mais Richard Collin n'est pas qu'un
obsédé du rendement et des tableaux de bord. Il mêle à ses
propos d'économiste esthétisme, sens et bons sens : ses «conseils
au Pôle Diderot» méritent d'être réécoutés,
relus, assimilés.
Repères d'enfance
Pierre Maranda, enseignant à l'Université de Laval (Canada),
tint des propos liminaires beaucoup plus abscons que la visite du site oceanie.org
auquel il penser convier ensuite la salle. Ce site web évite les grands
repères de la culture occidentale pour décrire l'univers culturel
des populations océaniennes. Après, il suffit de cliquer. Avec
le son, c'est pas mal non plus. Chacun pourra vérifier depuis chez soi,
quand le haut débit desservira la totalité du territoire…
On quitte la logique de l'arborescence chère aux premiers informaticiens
pour celle des boucles, des cycles, des intersections de plans vectoriels.
Les algorythmes changent : les représentations du monde… et des
connaissances aussi. L'approche est innovante. La dualité QuickTime – Real
n'a pas pu suivre. Dommage.
Geoffrey Edwards, professeur de Géomatique à l'université de
Laval est aussi astrophysicien et directeur scientifique du réseau Géoide.
Son propos se fonde d'abord sur un constat : 80 % des informations publiées
sur le Web ont une organisation spatiale "au sens large". L'humain
voit d'abord selon les repères physiques, corporels suivants : haut/bas
d'abord, puis devant/derrière et enfin droite/gauche. Le corps et ses
repères ont-ils encore un sens lorsqu'on navigue dans le cyberespace
? Geoffrey Edwards replonge alors ses auditeurs jusqu'à la vie fœtale,
le cri initial, puis la prime enfance.
Ces structures spatiales nous permettent de définir des concepts abstraits
: l'avenir, par exemple, qui est devant nous.
Geoffrey Edwards s'est ensuite attaché à présenter Géoide,
un réseau de chercheurs qui vise à intégrer les sciences
humaines et la géométrique. «Il y a une opportunité réelle
de faire du réseautage» a dit l'intervenant avec un accent délicieux.
Le Pôle Diderot l'a-t-il entendu ? Richard Pierre a pris beaucoup de
notes…
Cartes sur table
Hier après-midi, Serge Soudoplatoff a parlé "cartes" ;
il a aussi abattu celles du haut-débit et des communautés virtuelles.
Pierre Harvey, lui, a démontré qu'on pouvait être savant
et convainquant avec humour.
Valérie Pihet y est allée à un train d'enfer : la cartographie
de connaissances est quelque chose d'essentiel. La collaboratrice de Bruno
Latour a maintes fois cité ce-dernier lorsqu'elle a évoqué la
crise des représentations. «La cartographie de la connaissance
est un instrument essentiel de visibilité. Cet instrument répond
aux questions que nous nous posons». La jeune femme a souhaité en
conclusion que l'équipe du Pôle Diderot poursuive ses investigations
avec l'équipe de chercheurs qu'elle représentait hier en Haute-Marne.
Philippe Avenier s'est attaché à brosser l'action du ministère
de la culture en matière de diffusion des données numériques.
Il eut la bonne idée d'illustrer son propos par le portrait de Diderot
réalisé par Van Loo et utilisé par le Pôle. Il a
aussi évoqué la première exposition virtuelle sur Internet.
C'était en 1994 ; une éternité ! La mutation est permanente.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement de recenser tout dans une base de
données, mais plutôt de mettre ces données à la
disposition du grand public : en ligne et en plusieurs langues.
Muriel Foulonneau a justifié le choix du ministère en matière
informatique : des logiciels libres et le format XML. Il s'agit d'assurer la
pérennité de l'accès aux ressources.
Oh, boy !
Serge Soudoplatoff s'est attaché à expliquer ce que sont les
cartes en tant que représentation du territoire. De Caïn et Abel à l'IGN
en passant par Ptolémée, le conférencier a démontré les
enjeux d'une bonne cartographie. Pour lui, le territoire est fractal, ce qui
introduit dans son propos la notion de complexité. Dit avec humour,
cela passe tout seul. On passe ainsi d'un enjeu de pouvoir à un espace
de négociation.
Serge Soudoplatoff a ensuite décrit l'avantage dont jouissent les communautés
qui communiquent, qui informent en interne, etc. Or, des communautés,
on en trouve …sur Internet et elles offrent ou vendent bien des services.
Ce décor planté, il a expliqué alors le rôle du
politique : amener le haut débit. Encore un qui le dit ! Et pas des
moindres. A force d'entendre des savants, des ingénieurs de haute volée
du privé ou du public, des universitaires, répéter à l'envi
l'importance de haut débit et du partage de l'accès, on se dit
que ce département a peut-être un rôle à jouer, une
place "pilote" à prendre. Serge Soudoplatoff a conclu : le
rôle du privé est d'accélérer les transactions et
de gagner de l'argent. N'a-t-il pas quasiment résumé là une
part capitale de la problématique du Pôle Diderot ?
Pierre Harvey, directeur de Hexagram (Montréal) a évoqué aussi
la communautique. Il a d'abord définit succintement le terme : la mise
en réseau de personnes sur internet. Son verbe fort, son geste démonstratif,
sa parfaite maîtrise du domaine et son sens de l'humour ont rapidement
conquis l'assistance. Pierre Harvey prend ses auditeurs à bras le corps
et les emmène où il veut. Si son vocabulaire est trop "pointu",
il traduit : «on a réintégré la personne au cœur
de tous les systèmes.» Rassurant. Et quel régal dans la
forme, Oh, boy ! Cet homme-là n'est pas que savant. C'est un orateur
aussi.
En passant, lui aussi a appelé de ses vœux une collaboration entre
le Canada et le Pôle Diderot…
Echouait en fin d'après-midi à Claude Rollin, de la société des
auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la lourde tâche de lui succéder
au micro. Il a évoqué les conséquences de la mutation
analogoqie-numérique sur le droit d'auteur. De la molécule couchée
sur pellicule à l'électron (libre) et voyageur, il n'y a pourtant,
selon Claude Rollin, rien de fondamentalement nouveau en matière de
concept. Des dérives, cependant, menacent. Elles appellent des adaptations.
Il en a fait le tour. Concrètement.
Malgré les aspects souvent pointus des concepts évoqués
depuis trois jours, le symposium a encore attiré du monde hier. Du monde
curieux, avide d'apprendre, de découvrir, d'entendre. Du monde qui
a ri aussi.
Le coup du lapin
Les quatre dernières interventions, jeudi matin, ont fait la part belle à l'acquisition
de données numériques et à leur indexation pour les
rendre disponibles.
Prenez un lapin. Selon que vous interrogez un cuisinier ou un magicien, ils
ne s'intéresseront pas aux mêmes qualités du rongeur. Et
pourtant, ils parleront l'un et l'autre du lapin. Pour faire le tri dans tout
cela, et permettre de retrouver sans coup férir – et écouter
- ce que dit chacun sur le lapin parmi des centaines ou des milliers d'enregistrements,
il faut une méthode.
Martine Cardin, de l'Université Laval - Québec- a détaillé de
bon matin, justement, la mise en place d'une base de données de ressources
sonores. Le projet mené à terme consistait à indexer – pour
retrouver facilement un passage sonore et l'écouter avec un ordinateur – 177
interviews représentant près de 800 heures d'enregistrement.
La base, réalisée sous Access (Microsoft) fonctionne parfaitement.
La conférencière en a fait la démonstration.
Nicole Vallières, du musée Mc Cord (histoire canadienne) a fondé sa
communication sur deux axiomes : «une connaissance qui n'est pas accessible
ou partageable ne sert à rien» et «hors internet à l'école,
point de salut». Le Musée Mc Cord s'est donc donné pour
mission d'inventer d'autres moyens d'apprendre. Cela se traduit notamment par
un site (web) remarquable qui permet entre autres choses, de manière
ludique et édifiante, de juxtaposer et comparer un site à cent
ans de distance.
Des tableaux de Langres dans EROS
Christian Lahanier, des Musées de France, est physicien. Il aurait pu être
philosophe ou poète. Mais en tant que physicien, il est particulièrement
compétent en matière de numérisation (2D et 3D) des œuvres
d'art. Son souci permanent de vulgariser son propos a permis à ses auditeurs
de comprendre que les appareils d'aujourd'hui (caméra multispectrale
par exemple) permettent d'acquérir (d'enregistrer dans un ordinateur)
des images en relief à ce point précises que l'on peut, par exemple,
voir les couleurs "vraies" d'un tableau comme s'il n'y avait pas
de vernis, ou encore d'étudier la peinture dans son épaisseur.
Fascinant !
Dans la droite ligne de ce qui précédait, Geneviève Aitken
(C2RMF) s'est attachée à détailler la structure de la
base de données European research open system (EROS) qui répertorie,
mais surtout indexe de manière pertinente des milliers d'œuvres
d'art européennes en plusieurs langues. Cette base de données
tourne sous Linux (logiciel libre), ce qui permet même d'envisager une
fâcherie avec Bill Gates sans conséquence aucune sur le système.
Pour l'anecdote : des tableaux du musée de Langres figurent déjà dans
cette base de données.
Pôle Diderot : c'est fini ? Non, ça
commence
Foi en l'Homme ; convergences ; synergie ; partage ; progrès ; contrats
; rayonnement... Ils l'ont dit ! Le symposium a inspiré les élus
et stimulé l'idée d'avenir. L'effet de (Michel) Serres va se
prolonger. Ils s'y engagent.
Comme on dit parfois quand l'impression se fait certitude émue mais
que les mots peinent à suivre : il s'est passé quelque chose.
Quatre jours durant, à Langres, il s'est passé quelque chose.
Quelque chose que l'on sentait poindre sous le soleil printanier du premier
jour, quelque chose qui s'est imposé dans la parole de Michel Serres,
quelque chose qui s'est affirmé les jours suivants.
Affirmer tout de go : "le premier symposium Diderot est un succès" relève
aujourd'hui d'une banale évidence. Et après ?
Après Michel Serres. Après ces universitaires et chercheurs canadiens.
Après les ministres. Après la fête jubilatoire de l'intelligence
et du partage. On balaie le théâtre. On décolle les affiches.
On règle les factures. Certes. Mais pas seulement.
"
Après", c'est le futur, temps le plus conjugué par l'ensemble
des politiques lors des discours de jeudi.
Et si Bruno Sido avait raison ? «Les élus ont compris» a-t-il
glissé avec malice. Que le visage de Chritian Nolot, maire invitant,
s'illumine, ma foi, rien de plus normal. Mais que Bruno Sido, président
du Conseil général, insiste : «vous avez eu raison d'être
ambitieux ; ce symposium d'envergure internationale a tenu toutes ses promesses
[…] unissons nos forces». Ces mots-là sont autrement plus
remarquables pour un homme que l'on disait, en coulisses, prudent – doux
euphémisme – avec le projet du "sud". Si tant est que
les deux hommes constatent leurs intérêts communs et le Pôle
Diderot deviendra un des fleurons des prochaines assises du développement.
Revenons au futur. Le symposium pourrait bien changer de nom, et devenir "rencontres
de Langres" ou "Entretiens de Langres". Il pourrait aussi être
organisé alternativement en Haute-Marne et au Canada.
Grand récit
Le Pôle Diderot va créer des emplois dans les semaines qui viennent. «Les
commandes sont tombées, les contrats vont être signés» affirmait
le sénateur Guené, décidément en verve. Inspiré par
de savantes lectures, il poussait l'avantage plus loin peut-être que
Bruno Sido ne l'aurait envisagé : «investissements massifs […]
projet majeur dans le département, etc. ». Christian Nolot et
Jean-François Chanot buvaient du petit lait. Et s'il fallait aider Bruno
Sido à basculer plus encore vers l'engagement, Luc Chatel, député,
s'y mettait à son tour : «Le Pôle Diderot est un projet
structurant pour notre territoire. C'est une avancée importante qui
permet à la Haute-Marne de prendre conscience de ses atouts».
En soi, un tel concert de louanges et de projets est suffisamment rare en
Haute-Marne pour être souligné. Mais entendre quelques secondes plus tard
un ministre du gouvernement fédéral du Canada abonder à tout
ce qui venait d'être dit… Les termes de Don Boudria furent sans équivoque
: «le Pôle Diderot aura un correspondant au Canada. […] Il
faut créer des programmes de recherche. […] Le Pôle Diderot
doit se concrétiser […] numérisation, mise en ligne».
Et surtout : «Le Pôle Diderot est appelé à rayonner
loin, fort et bien. Nous y sommes déterminés». Que demander
de plus ? La détermination affichée par tous de faire en sorte
que ce symposium ne verse pas dans le syndrome du soufflet est telle que le
représentant de la Belgique francophone, auditeur intéressé des
travaux, a très nettement fait du pied à la mariée. «Associez-nous à vos
projets. On veut en être» a-t-il dit en substance, avec autant
d'intelligence que d'humour.
Le grand récit du Pôle Diderot vient à peine de commencer.
Bon sang que la préface fut plaisante à lire…